samedi, mars 15, 2025
Politique

RDC. Washington derrière la convocation précipitée d’un dialogue Kinshasa/M23 et du retrait de la SAMIDRC!

76views

Qu’est-ce qui explique la fulgurance de la nouvelle donne politique sur la crise en RDC avec l’annonce du dialogue direct entre Kinshasa et le M23/AFC ? Comment expliquer cette sorte de garde-à-vous des Africains, particulièrement la SADC qui a concomitamment décidé de retirer sa force SAMIDRC, arguant sa volonté de s’aligner à l’opinion d’une paix négociée ? Quelle est la main qui se tramerait derrière cette accélération des événements ?

Congo Guardian a, une fois de plus, interrogé le spécialiste des questions géopolitiques, sécuritaires et stratégiques dans les Grands Lacs, notre estimé confrère Nicaise Kibel’Bel Oka qui, dans l’ensemble, y voit la main américaine. Washington aurait, selon lui, mordu à l’offre de Kinshasa pour l’exploitation minière, mais aurait décidé de faire le ménage pour pacifier la zone. Les affaires n’aiment pas le bruit, dit-on.

Découvrons l’interview réalisée par Jonas Eugène Kota pour le compte de Congoguardian

 

Congoguardian : Ça te dis quoi cette vitesse que prennent les évènements ces cinq derniers jours surtout avec la date arrêtée du 18 mars 2025 ?

Nicaise Kibel’Bel Oka : Oui, il y a effectivement de la vitesse. Vraisemblablement, le président angolais s’est fait porteur d’un message venant d’ailleurs, d’outre-Atlantique. Un message genre injonction et lui enjoignant de voir comment mettre le gouvernement congolais et les rebelles du M23 autour d’une table. Le contraire m’étonnerait. Car, le président angolais avait de lui-même jeté l’éponge dans ce dossier. De deux, dans la Feuille de route de Luanda qu’il pilotait, il est question de mettre autour d’une même table Félix Tshisekedi et Paul Kagame (et non le M23).

Le temps presse et l’injonction avec lui. Il faut arrêter le scénario congolais.

C.G. : Que penses-tu du trio des médiateurs où se retrouvent deux personnalités de la zone EAC ? Comment faire pour équilibrer tout ça ?

N.K.O. : Nous sommes dans la situation des négociations qui ont entouré le dialogue entre Congolais de Sun city (2002) où la communauté internationale a imposé Ketumile Masire, un anglophone et de surcroit, président de la Commission du génocide rwandais de l’Union africaine. Il aura fallu crier pour qu’on lui enjoigne une équipe des Francophones dont le Sénégalais Moustafa Niasse, Il faut faire pression sur l’Union africaine pour le rééquilibrage.

Le président Sassou serait une personne bien indiquée mais ses accointances avec la France et le Rwanda (à travers Total Énergie) le disqualifient.

C.G. : Quelle est l’influence de l’occurrence de la perspective du contrat avec les USA dans le comportement des différentes parties prenantes ?

N.K.O. : La perspective du contrat entre les États-Unis d’Amérique et la RDC serait l’une des solutions à la stabilité de notre pays malheureusement, des lobbies qui gèrent la classe politique congolaise ne permettent pas d’y réfléchir à tête reposée. Ce genre de contrat n’est pas nouveau ni le premier à travers le monde.

En 1945, les États-Unis avaient signé sur la durée l’Accord Quincy (nom du navire américain) avec l’Arabie saoudite. Pour sa sécurité et sa protection, l’Arabie saoudite cédait l’exploitation de ses hydrocarbures aux États –Unis d’Amérique. Elle ne l’a jamais regretté. Depuis 1945, l’Arabie saoudite est sous le parapluie américain. Tout comme en 1967, l’Égypte signait un accord de non-agression d’Israël avec les États-Unis en contrepartie de près de 1 milliard de dollars $ par an à titre d’aide non remboursable. L’Ukraine est prête à céder l’exploitation de ses minerais stratégiques pour sa sécurité.

Ce n’est pas nouveau d’autant plus que dans un autre registre, en 2008, la République démocratique du Congo a signé le Contrat chinois même si les résultats ressemblent à une véritable et vaste escroquerie.

Pour revenir à votre préoccupation, je suis convaincu que les États-Unis ont demandé de mettre de l’ordre avant toute intervention dans notre pays. Et cet ordre serait vraisemblablement que toutes armées étrangères quittent le territoire congolais y compris la Rwanda Defence Force (RDF). La SAMIDRC a compris le message : elle va retirer ses troupes.

De la sorte, la fusion de deux processus, privilégiant la Feuille de route de Luanda revient à la responsabilité de l’Angola. Si jamais les États-Unis doivent accepter l’offre de Félix Tshisekedi, cela ne pourrait se passer que sur un terrain où il n’y a plus de guerre ni le M23 soutenu par le Rwanda. On dirait que c’est le même schéma pour l’Ukraine.

 

C.G. : Comment Kinshasa devrait-il se déterminer face à tout cela ? C’est-à-dire face à l’agenda des négociations et face à la donne américaine ?

N.K.O. : En tant qu’une personne qui a l’expérience et l’expertise dans les conflits dans les Grands Lacs, je devrais en principe déconseiller Kinshasa.

L’histoire des rébellions rwandaises en RDC est riche en enseignements. Elle peut se décliner en : rébellion, massacres des civils, négociations, amnistie pour les crimes de guerre, partage des postes du pouvoir, déversement des personnes non identifiées dans les institutions du pays, brassage, mixage…

Bref, infiltration sans résoudre les vraies causes et rendant notre pays vulnérable et fragile. Je pense que la Feuille de route de Luanda était la bonne solution. Mais la politique, c’est le réalisme face au rapport de force.

Tout en étant en position de faiblesse, l’offre faite aux Américains reste valable et à soutenir si on veut de la paix en RDC et pour les Congolais, également pour toute la région des Grands Lacs.

La raison est simple. L’Union européenne a opté pour le pillage de nos matières premières critiques et la défense de ses intérêts économiques à travers son courtier, le Rwanda. La Chine ne s’intéresse qu’aux minerais et non aux conflits armés.

 

C.G. : Qu’est-ce qui justifie l’attentisme de l’Europe dans l’enjeu immédiat lié surtout à la mise en œuvre de la Résolution 2773

N.K.O. : La France, c’est la locomotive de l’Europe avec l’Allemagne. Or, il se fait que la France a des intérêts gaziers sur le continent. A travers Total Énergies, la France exploite le pétrole en Angola, au Congo-Brazzaville, bientôt en Ouganda et le bloc gazier au Mozambique.

Je dois rappeler que l’enjeu du pétrole se calcule en termes financiers, politiques, économiques, technologiques et humains.

Une nation qui découvre le pétrole ou le gaz s’affranchit, économise ses devises, réduit ses frais de transport, assure son approvisionnement en temps de guerre et se met à l’abri. Le pétrole est une véritable industrie. Ce n’est pas pour rien que les Américains, jurant sur la Bible, invoquent le Dieu des armées dans leur guerre du pétrole. Ils sont les Oil men.

Pour la RDC et le peuple congolais, ce qui compte dans tout ce bouillonnement, c’est d’abord la fin du pillage et de l’instabilité, la fin des massacres et de l’invasion rwandaise pour sortir de la guerre hybride mais il faut trouver le juste milieu entre les États-Unis et la Chine.

Entretien d’actualité avec Jonas Eugène Kota,Congoguardian/Les Coulisses

Nous vous donnons la vraie information et nous en payons le prix. Soutenez-nous. Votre contribution financière est attendue. Contact utile : +243 998 190 250 et/ou +243 824 244 844

Leave a Response