Évaluation mutualisation FARDC-UPDF ou la charrue devant le bœuf. Précipitation justifiée ?
(Kinshasa. Le ChefEMG Christian Tshiwewe (FARDC) reçoit en réunion de travail son homologue Wilson Mbasu (UPDF). Photo tiers).
Il aura fallu dix jours après le remaniement et la venue de Jean-Pierre Bemba au ministère de la défense, pour que l’Ouganda se rappelle qu’il faille évaluer la mutualisation. De façon précipitée et dans la précipitation, le Chef d’État-major de l’Uganda People’s Defence Force (UPDF), le général Wilson Mbasu Masudi s’invite à Kinshasa où il rencontre son homologue congolais, le lieutenant-général Christian Tshiwewe. De Kinshasa, il se retrouvent le 6 avril 2023 à Beni. Objectif : évaluation des opérations de mutualisation de force dans la lutte contre les terroristes MTM. Le hasard n’existe pas. Sur place, aucune surprise. La déclaration de satisfecit du commandant UPDF est tombée : « Il n’existe aucun camp fort des rebelles ADF actuellement à Beni. Nous avons détruit tous leurs campements à forte concentration. Ce qui justifie leur mobilité ici et là. Ils ne peuvent plus se mettre ensemble parce que nous les frappons une fois qu’ils sont réunis. Leur degré de nuisance a trop baissé ». Le général Wilson Mbasu enchaîne : « Nous allons poursuivre les opérations de traque des rebelles jusqu’à leur retranchement. Ce, jusqu’à la pacification de la région. » L’UPDF dévoile ses intentions et imite la MONUSCO. Elle ne quittera pas le sol congolais. Il s’agit de la lutte contre le terrorisme, une lutte dans la durée. Mais l’UPDF comme la MONUSCO n’a rien appris de l’armée américaine qui, ayant compris, a quitté l’Afghanistan sans tambour ni trompette après 20 ans de présence militaire. Les esprits avisés doivent se poser des questions sur cette précipitation (in)justifiée. Cinq questions. Primo. Pourquoi l’UPDF n’a-t-elle pas laissé au ministre de la défense de la RDC le temps de s’imprégner de la situation générale des Forces armées de la RDC (FARDC) aux différents fronts ? Secundo. Pourquoi le ChefEMG Christian Tshiwewe doit se faire accompagner de son homologue ougandais pour visiter le front Beni ? Tertio. A quel moment l’État-major des FARDC se propose –t-il de faire rapport et évaluation de l’action engagée au vice-premier ministre de la défense nationale ? Quarto. Qu’est-ce qui aurait été mieux entre rencontrer les FARDC seules à Beni et le faire avec l’UPDF ? Quinto. Dans quel intervalle de temps doit-on faire une évaluation des forces mutualisées ? Pour rappel, depuis que l’UPDF est entrée sur le sol congolais dans la précipitation surprenant même les FARDC le 28 novembre 2021, à compter sur les bouts de doigts de la main, il y a 16 mois. Or, généralement les accords prévoient et projettent une évaluation semestrielle (tous les 6 mois). Logiquement, c’est au mois de juin 2023 qu’on devait évaluer. Ce temps aurait permis au vice-Premier ministre rd-congolais de la défense de faire une évaluation des opérations à l’interne afin de se faire une opinion et d’émettre un avis technique à partager avec le Commandant suprême. Tel qu’on a procédé, on place le ministre de la défense devant un fait accompli. Le hasard n’existe pas. Dans toute guerre, le bon commandant est celui qui lit les intentions de l’ennemi/allié. Parce que la guerre exige une intelligence prévisionnelle. En 2018, dans les couloirs du State House en Ouganda, on rapportait que le président Museveni avait de l’admiration pour 2 Congolais seulement : Jean-Pierre Bemba pour son caractère et son intelligence et le général Delphin Kahimbi qu’il appelait « the small king ». En effet, le 17 janvier 2018, le général Delphin Kahimbi démontra à l’aide de GPS lors d’une réunion présidée par le président Museveni que ses officiers l’avaient trompé sur une prétendue entrée de l’UPDF à 100 kilomètres sur le sol congolais juste pour justifier l’utilisation des fonds débloqués.
Croire aux déclarations de satisfecit du général Wilson Mbasu serait prendre des Congolais pour des imbéciles. Pire encore faire croire que dans les FARDC, il n’existe pas de génies dans l’art de la guerre. La grande différence qui fonde l’efficacité du terroriste face à une armée classique réside dans sa capacité à se dissimuler dans la foule, dans les montagnes et ainsi à tromper la vigilance des armées régulières. Comment dans une guerre où les FARDC ont découvert des bunkers servant des caches aux MTM, un général ougandais peut s’hasarder à déclarer de tels propos ? Commet oublier que souvent les combattants se cachent pour éviter le combat, brouillent les pistes pour ne pas être repérés et, le moment venu, mettent en œuvre des stratagèmes pour attirer l’ennemi dans un piège et déclencher des opérations destinées à briser le moral. Le général Lucien Bauma l’avait ignoré jusqu’à déclarer la fin de la guerre contre les ADF/MTM le 2 juin 2014 arguant même qu’il ne restait qu’une cinquantaine. Comment les FARDC peuvent-elles accepter de reproduire la même erreur ?
Déguisement et imprévisibilité, telles sont les deux caractéristiques de l’action terroriste. Par mobilité, il faut entendre « l’imprévisibilité des apparitions du combattant. Elle désigne le mouvement en vue de la surprise. » Les FARDC doivent apprendre comment vaincre les terroristes MTM sans recourir à des forces armées étrangères. Ce, avec des unités spéciales, en renforçant le renseignement et le mariage civilo-militaire. On ne doit pas continuer à inviter les charognards pour convoiter le trésor que regorge notre pays.
Lire utilement Nicaise Kibel’Bel Oka, L’avènement du jihad en RDC. Un terrorisme islamistes ADF mal connu, Éditions Scribe, Bruxelles, 2016
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Mathias Ikem