Grands Lacs. Création d’une force régionale, une pléthore inutile et nuisible en défaveur des FARDC

(Des officiers des pays de East Africa Community après la 1ère séance à Goma. Photo tiers).

À la croisée des chemins dans ses relations avec ses voisins immédiats, la RDC connaît des moments difficiles avec la création de guichets diplomatico-militaires. Cette sorte de pléthore inutile d’acteurs sera davantage plus nuisible au moment des élections et gardera pendant longtemps notre pays sous la férule des voisins immédiats. Depuis vendredi 3 juin 2022, les états-majors de renseignements militaires des pays de East Africa Community réfléchissent sur la création d’une force régionale. L’idée de la création d’une force régionale en attente date de 2010. La RDC participe dans cette force montée par la SADC à travers une compagnie motorisée presqu’abandonnée à Kipushi avec un charroi déclassé. La question de l’opportunité d’une telle force en ces temps difficiles pour la RDC où les voisins montrent toute leur mauvaise foi doit être posée. 9 voisins immédiats : Rwanda, Ouganda, Kenya, Congo-Brazzaville, Soudan du Sud, Angola, Burundi, RCA, Zambie. Nos 9 voisins immédiats sont-ils des enfants de cœur ?

A nous regarder entre Congolais, on peut se demander s’il n’est pas temps de s’arrêter pour évaluer toutes ces actions à court, moyen et long terme. Et en dresser le bilan sans complaisance. Sur le plan de défense, depuis fin novembre 2021, la RDC et l’Ouganda sont engagés dans des opérations de mutualisation de deux armées contre les islamistes MTM et le groupe CODECO. Sur le sol congolais. Après des déclarations fracassantes du général Muhoozi, fils du président Museveni, l’Ouganda a invité malicieusement le coordonnateur FARDC des opérations de mutualisation à une cérémonie théâtralisée avec défilé dans les rues du district de Fort Portal. Sans analyser froidement de nouveau le mariage entre l’armée rwandaise (fâchée de s’être vu refuser l’autorisation officielle d’une balade au Kivu) et certains haut gradés de l’UPDF (eux aussi fâchés de n’être pas invités aux noces sur le sol congolais). Le Rwanda et l’Ouganda (représenté par le fils du président Museveni) ont signé des accords militaires. On peut rappeler qu’en 2019, l’Ouganda avait refusé de se retrouver face au Rwanda à Goma. En 2022, Kigali et Brazzaville ont aussi signé un accord militaire qui accorderait une base navale au Rwanda en face de Maluku (Kinshasa-RDC). Enfin, le HCR se préparerait à déverser des réfugiés en provenance de l’Angola dans la province du Kwilu (Kikwit).

Un cocktail explosif en RDC ?

Cette amalgame qui ressemble à un cocktail explosif ne fait guère cas d’une longue et inefficace présence de plus de 20 ans de la MONUC/MONUSCO. Depuis Joseph Kabila jusqu’à Félix Tshisekedi, la MONUC/MONUSCO joue les bons offices dans toutes les bonnes et/ou mauvaises initiatives du pouvoir. Elle est présente dans tous les guichets sécuritaires qu’on monte au détriment de la RDC. Cette mollesse voulue et entretenue par des agendas cachés pousse Kigali, à chaque fois qu’il manœuvre l’extrême violence à l’est de la RDC, à accuser la MONUSCO et les FARDC de coaliser avec les FDLR. Parce que ni Kigali moins encore la MONUSCO ne saurait dire la vraie force de nuisance des FDLR après autant d’années passées sur le sol de l’est de la RDC. Les FDLR constituent un de grands enjeux depuis une vingtaine d’années de la communauté internationale dans la région des Grands Lacs africains singulièrement dans le Kivu.

Une force régionale. Pourquoi faire ?

L’idée en elle-même d’une prévention collective de la violence extrême devrait être encouragée dans d’autres circonstances. Mais l’histoire de la région des Grands Lacs de ces vingt dernières années appelle à la prudence. L’environnement régional est couvert d’un flou artistique. La réalisation effective de la mise en œuvre d’une telle force pose de sérieux problèmes et soulève des interrogations. D’abord au niveau de la SOA qui est la fonctionnalité de chaque pays. C’est l’action d’engagement de chaque État qui définit le rôle, les conditions dans lesquelles le contingent doit se mouvoir dans la coalition ainsi créée. Ensuite, les militaires respectent plus les orientations de leurs pays respectifs que celles du commandement conjoint. Le cas de la MONUC/MONUSCO illustre bien la difficile opérationnalité d’une telle force. La composition même des forces de la MONUSCO est un ensemble de haine patriotique qui rend toute bonne coordination des opérations mal aisée. En 2006, les forces de la MONUC en Ituri sont une sorte de « je t’aime. Moi, non plus ». Le général commandant de la brigade est du Bangladesh. Le colonel chef aviation est Indien. Le commandant bataillon est Pakistanais. Le chef de génie pour ouvrir les routes est Népalais. Tous sous le commandement du général Gaye, Sénégalais. Or, depuis les années 1960, tous ces pays faisant partie jadis de l’Inde aujourd’hui détachés et autonomes sont en conflit entre eux. Possible qu’ils s’entendent sur le sol congolais. En élaborant le plan des opérations militaires, le commandant du Bangladesh n’avait aucun ordre direct à donner au colonel indien qui devait se référer à son pays. On peut conclure qu’il n’y a à proprement parler pas d’unité de commandement tant les intérêts nationaux les en éloignent. Plus près de nous, Ukrainiens et Russes au sein de la MONUSCO. Comment peut-on croire avec que de telles forces puissent apporter la paix en RDC ? Sauf à souffrir de cécité.

Une pléthore inutile et nuisible d’acteurs

La RDC vit une inflation armée imposée à laquelle elle adhère tête baissée. A force d’inviter toutes les armées du monde sur le sol congolais, on rend les FARDC de moins en moins efficaces et de plus en plus vulnérables. La pléthore d’acteurs favorise une dispersion des efforts qui aboutit à des incohérences énormes et à une contre productivité par rapport aux objectifs poursuivis. A-t-on résolu les tensions récurrentes entre, d’une part le Rwanda et le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda et tous les trois avec la RDC ? Sur le sol congolais, chaque pays poursuit son combat avec des intérêts bien indiqués notamment le pillage des ressources minières et le déversement d’une partie de sa population sur le sol congolais. Dans la région des Grands Lacs persistent encore et pour bien longtemps des méfiances historico-culturelles mais également étatiques. Enfin l’épineux problème de mobilisation et d’utilisation des ressources financières. L’absence de capacités financières propres à nos États pousse à recourir à des financements internationaux qui compromettent l’opérationnalisation des structures conjointes. Avec quel budget fait-on la mutualisation des opérations ? Avec quels effectifs en quantité et en qualité de capacités de réaction ? La coordination des renseignements joue-t-elle un rôle véritable sur les enjeux ? La RDC comme nation connaît-elle les motivations de ses voisins immédiats et lointains qui continuent à la déstabiliser ? Commençons par le commencement. Et le commencement, c’est parachever la réforme de notre armée et son équipement adéquat. Mais avec quel budget ? Xavier Raufer définit la stratégie indirecte dans les alliances : « L’ennemi (pour l’instant) de mon ennemi (actuel) est mon ami (temporel). Avec cet ennemi, en théorie implacable, l’alliance d’intérêt mutuel est désirable. Elle est bien sûr limitée, réversible à tout instant, selon d’imprévisibles évolutions. » Evaluons-nous. Qui dit mieux !

Nicaise Kibel’Bel Oka

Directeur du Centre d’Étude et Recherche géopolitiques de l’Est du Congo (C.E.R.G.E.C)

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