RDC/Bashu. Les FARDC face aux conflits ancestraux, autodéfense et soldats du califat

(Mairie de Beni incendiée en 2019 par les groupes de pression en colère contre les tueries ADF/MTM). Archives Les Coulisses).

Bashu en territoire de Beni. Septembre 2021. Un conflit ancestral produit violence et morts d’hommes. Tout part du décès le 30 juillet 2021 de Valentin Kasumbakali. Où doit-on l’enterrer ? Les avis sont partagés. Pour sa lignée, il mérite d’être enterré à la colline ancestrale à Muthendero. Pour d’autres, il n’en est pas question. Valentin Kasumbakali est finalement enterré une nuit à la colline sacrée. Ce qui énerve ses cousins paternels. La profanation de sa tombe est suivie d’une attaque des « hommes armés » qui ont tôt fait de neutraliser la position FARDC. Dans leurs représailles, les « hommes armés » ont tenu à punir Katembo Kamali, gardien de la coutume de la lignée de Kasumbakali. Il est parmi les 6 personnes tuées. Les malins qui veulent cacher les tenants et les aboutissants de ce conflit ancestral non résolu pointent déjà les soldats du califat (MTM) et/ou les Rwandais justifiant ainsi leur volonté de l’autodéfense et de la levée de l’État de siège. Mais la vérité est têtue et les rattrape. A quoi est dû ce déferlement de la violence entraînant destruction méchante (incendies des cases) et mort d’hommes au sein des gens d’une même communauté ?

Bashu (Graben), doublement symbolique et géopolitique

La chefferie des Bashu est un lieu spécial en ce sens qu’il incarne deux symboles forts. D’abord, pour les Wanande, le Bashu est mythique. C’est là où il y a le sacré dont la colline de Muthendero. est le cimetière. Et donc, toute profanation doit énerver les esprits et déranger le sommeil des ancêtres.

Pour les ADF/MTM, le Bashu sert de lieu de formation idéologique (madrasa), de ressourcement mais également de grenier qui nourrit la toute la contrée. Les cultivateurs paient 30 % de leurs récoltes aux MTM comme effort de guerre. Mughalika (lisez Mwalika) formait l’un des angles du triangle des ADF/MTM avec Kamango (Watalinga) et Tsustobo (Eringeti). Pendant longtemps la règne du RCD/K-ML, le Bashu fut disputé entre Nande et les éleveurs Hima qui, grâce à la pression de l’ICCN, finirent par gagner l’Ouganda en échange de la reconnaissance et de l’intronisation par Museveni du king Irimangoma Mumbere. Le Bashu, c’est enfin le sanctuaire des recrues de soldats du califat pour atteindre Madina. Les « Bashu » sont très liés à leurs frères de Kasese (Ouganda) et participent à tous les rites dans l’Obusinga.

Qui doit être enterré à la colline de Muthendero ?

Muthendero est le siège ancestral de la chefferie des Bashu. C’est là que se déroulent les rites magico-politiques pour le compte de la tribu toute entière. A cet égard, on ne peut pas enterrer n’importe qui au cimetière ancestral, au risque de désacraliser le lieu. Selon la coutume, pour y être enterré, il faut avoir une fonction administrative assumée. Pour la lignée des Kalemire qui se réfèrent à la coutume ancestrale, ne peuvent être enterrés sur ce site sacré que trois catégories de personnes, à savoir les gardiens de coutume, le chef de chefferie et le chef de groupement Isale Bulambo. De ce point de vue, Valentin Kasumbakali n’a pas le droit d’y être enterré. Il n’assume aucune fonction administrative. De même que Katembo Kamali qui est gardien de coutume nommé par les Kasumbakali. Ce conflit qu’on a toujours caché provoque mort d’hommes et de destructions méchantes. Quand on y ajoute la présence des soldats du califat, le cocktail est plus qu’explosif.

Conflit ancestral entre cousins paternels

Pour mieux appréhender ce qui déchire le Bashu, il faut faire parler l’histoire. Mushakulu Muhuyu, le grand chef des Bashu avait trois garçons : Biabu, Lusenge et le cadet Kasumbakali. A sa mort, il désigne Biabu (l’aîné) administrateur de la chefferie. Lusenge sera chargé des affaires coutumières et le cadet Kasumbakali devait les assister. Kasumbakali entre en rébellion contre son frère Biabu et réussit à le chasser de la colline. Le peuple très en colère s’en prend à lui et le chasse à son tour. Kasumbakali s’installe à Kisalala/Malio. Finalement les sages engagent une réconciliation qui permet à Kasumbakali de retourner à Isale. Biabu a donné naissance aux Kalemire Patanguli dont la lignée gère la chefferie des Bashu. Depuis la nuit de temps, les Kasumbakali n’ont jamais cessé de créer des problèmes pour la gestion de la chefferie des Bashu. Ce sont les cousins ayant une même souche qui se disputent la gestion administrative et coutumière de la chefferie. Les politiciens se sont rangés derrière chacune des lignées du vieux Muhuyu pour activer les tensions et s’en servir. C’est à ce titre que des politiciens, en mal de positionnement, ont voulu récupérer ce vieux conflit accusant les soldats du califat espérant justifier la recette de l’autodéfense et de l’auto-prise en charge qu’ils appliquent malignement pour obtenir la levée de l’État de siège. Les problèmes de l’(in)sécurité relevant autant des conflits coutumiers que du terrorisme islamiste compliquent les opérations militaires. Sans l’’appui et la collaboration des enfants du milieu, il est difficile pour les FARDC de ramener la paix dans cette contrée. Toute autre considération sur un prétendu échec des FARDC et de l’État de siège est une preuve de mauvaise foi et surtout de l’ignorance de vrais défis pour une paix durable dans le Grand Nord. On ne peut pas libérer un peuple qui refuse et surtout qui se ment à lui-même. Fatshi est informé.

Nicaise Kibel’Bel Oka

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