La Conférence épiscopale nationale du Congo, en sigle CENCO, par la voix de Mgr Donatien Nshole, son Secrétaire général, s’est adressée au peuple congolais avec des consignes claires pour les élections de 2023 : « Non à ceux qui ont changé de camp, non à ceux qui ont pour suppléants les membres de famille, non à ceux qui postulent à tous les niveaux, non à l’achat de conscience… » La CENCO rappelle que les élections sont une étape importante qui donne l’occasion au peuple de renouveler la confiance aux animateurs des institutions qui ont bien servi le pays et de sanctionner tous ceux qui ont mal géré en servant leurs propres intérêts. Dans cet appel à la vigilance et à la responsabilité de la population en âge de voter, la CENCO insiste pour que les opportunistes qui changent de camp politique à la recherche des profits ne soient plus élus. Elle appelle, en outre, le peuple de faire le choix des candidats (parmi les nouveaux) qui font preuve de probité morale invitant enfin les électeurs à ne pas quitter les bureaux de vote tant que la Commission électorale nationale indépendante (CENI) n’aura pas affiché des résultats et d’user, en cas de tricherie, de l’article 64 de la Constitution pour imposer la vérité des urnes. Elle prévient que si d’aventure, la CENI ne donne pas le minimum de transparence, elle ne peut pas compter sur la CENCO et l’ECC qui ne vont pas s’aligner sur sa position. Les deux confessions religieuses y veilleront. Ce, compte tenu des expériences malheureuses des cycles électoraux passés. Problème. Le mot « transparence » n’a pas le même contenu pour la CENI et pour la CENCO. Pour cette fois-ci, la CENCO appelle le peuple congolais à la vigilance du processus électoral : « Peuple congolais, réveille-toi de ton sommeil (…) Car, désormais, les institutions à mandat électif doivent être dirigées par des personnes réellement élues. »
L’appel de la CENCO peut-il sanctionner le nomadisme politique ?
La CENCO serait-elle la voix qui crie dans le désert ? L’ensemble de la classe politique congolaise (c’est une tradition) est constitué des migrants politiques qui ont fait de la transhumance politique un mode de vie. La CENCO feint-elle d’ignorer qu’ils sont rares ceux des hommes politiques qui sont restés dans leur conviction politique du départ ? En RDC, les militants comme les créateurs des partis politiques ainsi que de la société civile pratiquent le nomadisme politique. Parce que convaincus que le seul parti en mesure de leur faire miroiter tous les avantages ne peut être que le parti au pouvoir. D’ailleurs, le phénomène est observé même dans les églises pour des fidèles à la recherche permanente du Saint Esprit.
Sommes toutes, il semble que chaque peuple a les dirigeants qu’il mérite. Comment, à six mois des élections, le peuple doit se forger une conscience pour refuser des cadeaux déshumanisants auxquels il est habitué ? Comment créer une confiance lorsque la CENCO s’alliant à l’ECC exclut d’autres confessions religieuses qu’elles jugent peu crédibles dans leur jugement sur les élections alors qu’elles se partagent des électeurs ? On vote avant tout tribu, ethnie et/ou communauté, voire religion.
La preuve, s’il en est une, à chaque élection, les analystes habitués présentent la RDC fissurée en deux blocs linguistiques, swahilophone et lingalophone (est-ouest). En clair, le fait tribal demeure très vivace notamment lors des élections. Il ne sert à rien de l’occulter ou de le nier. La solidarité ethnique oblige et joue dans l’urne.
Généralement l’exercice du pouvoir précède la formation d’un parti politique qui, dans une démocratie doit se former, former ses adhérents et s’organiser pour conquérir le pouvoir. Malheureusement, les hommes politiques peuvent parcourir toutes les provinces et faire semblant d’avoir l’adhésion populaire mais au moment de se porter candidat, ils oublient les militants qu’ils remplacent par les membres de leurs familles. Le cas du démocrate Delly Sessanga Hipungu a choqué. Démagogie, surenchères et mensonge participent à la démocratie en RDC.
Chacun veut plaire à la communauté internationale
Église, opposition, pouvoir. En RDC, les élections s’adressent moins aux nationaux qu’à l’opinion internationale (Union européenne et États-Unis) et aux organismes internationaux dont les dirigeants sont des observateurs privilégiés et infaillibles de la vie politique de la RDC.
63 ans après l’indépendance, on ne se fait aucunement confiance. L’Église et l’opinion internationale ont leur candidat préféré qui doit gagner coûte que coûte. L’on sait d’avance que, pas de bénéfice du doute, le pouvoir va tricher et on se prépare à la confrontation en évoquant l’article 64. Quelle valeur accorde-t-on au vote dans les villages à une personne qui ignore jusqu’au nom du candidat pour qui elle va voter (qu’elle n’a jamais vu) et la signification même du vote ? Voilà pourquoi ceux-là voteront pour les fils de la tribu, de la communauté dont le visage est connu. Ils suivront le mot d’ordre de leur fils/fille. Encore que personne ne détient la clé de la popularité, et donc, de la victoire. Là où le vote pose le trinôme Démocratie-Misère-Ignorance qu’on ne résout toujours pas.
Quoiqu’il en soit, la CENCO est dans son devoir d’éveil de conscience. Comme la communauté internationale est dans le devoir que nous lui avons octroyé de juger ce qui est bon ou mauvais pour la RDC. La CENCO sait aussi qu’aucun opposant n’accepte d’avoir perdu. Elle-même n’acceptera pas que celui qu’elle a oint ne perde. Comme pour toutes les élections, nous devons nous préparer à appliquer l’article 64 de la Constitution, c’est-à-dire à la contestation et aux affrontements. Le Seigneur peut tourner le dos à son peuple quand il réalise que ce peuple trompe sa propre conscience.
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Mathias Ikem