RDC/Nord-Kivu. Constant Ndima : »Le Rwanda veut asphyxier Goma. Tous les signaux pour la guerre sont visibles. Nous devons nous y préparer »
(Invasion de Rutshuru. Le gouverneur militaire du Nord-Kivu, le Lt-gén Constant Ndima visite le front. Archives Les Coulisses).
Les Coulisses : Monsieur le Gouverneur, vous avez été à Mbandaka avec d’autres gouverneurs et le Président de la République. Peut-on savoir de quoi s’était-il agi ?
Lt-général Constant Ndima Kongba : Effectivement à la fin de l’année 2022, nous avons été à Mbandaka dans le Programme de développement de 145 territoires, le programme du développement à la base. La province du Nord-Kivu a été choisie comme province pilote. Nous avons lancé la première phase de travaux à Sake sous la coordination de la BCCO, notre partenaire. Nous évoluons bien jusque-là. Les travaux sont très avancés dans les 6 territoires notamment dans la construction des écoles et des centres de santé. Devant le Chef de l’État, nous avions fait entendre la voix des populations du Nord-Kivu qui subissent l’agression rwandaise. La ville de Goma est asphyxiée avec une guerre qui est à 20 kilomètres. La population éprouve d’énormes difficultés même dans les agglomérations pour se ravitailler en produits vivriers de première nécessité.
L.C. : Comment se remarque cette asphyxie, mon général ?
C.N.K. : Les axes routiers qui mènent vers le Grand Nord sont dans les mains de l’ennemi. Dans son plan machiavélique, l’ennemi rwandais a réussi à contrôler toutes les portes d’entrée (sauf Kasindi) vers Goma. Malheureusement, la nature aussi s’y est mêlée avec la pluie. Les ponts sont détruits. La route Goma-Bukavu est coupée. Partout des bourbiers notamment sur l’axe Sake-Masisi-Walikale. Le sol volcanique de Masisi entraîne des éboulements de terre. Ce qui conduit à des difficultés de ravitaillement en carburant car il faut retourner 50 kilomètres en arrière pour dégager les éboulements. Pendant la saison sèche, nous espérons mieux désenclaver. Il nous reste la route secondaire Kanyabayonga-Kibirizi-Sake qui est aussi proche de la ligne de front. La nature l’a dégarni avec des bourbiers. Plus de 200 véhicules étaient bloqués. Nous avons envoyé l’entreprise Premidis pour décanter la situation. La seule voie qui reste, c’est le lac. On peut encore espérer avec des produits venant de Bujumbura. La conséquence directe, c’est la hausse des prix sur le marché aggravant la souffrance de la population. Le Rwanda asphyxie Goma pour faire souffrir les Congolais. C’est criminel.
L.C. : Vous venez de Kasindi où un kamikaze s’est fait exploser avec une bombe. Quelle est la situation opérationnelle à Beni ?
C.N.K. : La situation est très préoccupante. Les terroristes ADF/MTM tuent vers Kainama, à la limite avec l’Ituri et dans le secteur de Ruwenzori. Les opérations sont en cours avec l’UPDF. Paradoxal, la même UPDF est visible sur le front Rutshuru. On voit des éléments de l’armée ougandaise sur le terrain vers Nyamilima. Ils ne se cachent plus. Du point de vue sécuritaire, bien que le processus de Nairobi et la feuille de route de Luanda soient là, sur le terrain, le constat est amer : le retrait du M 23 de Kibumba et Rumangabo n’était que de façade. Il y a eu trop de publicité pour la consommation extérieure. La RDF/M 23 n’a pas bougé. La Force régionale essentiellement kényane a fait de la publicité. En réalité, il n’y a pas eu de retrait. La population a constaté que la KDF s’est arrêtée à 3 antennes et que la RDF campe toujours à Kibumba.
L.C. : Mais les éléments de la RDF se sont retirés de Rumangabo laissant le camp aux troupes kényanes ?
C.N.K. : C’était aussi une opération de séduction pour Rumangabo. Car, deux jours après, la RDF s’est dirigée vers Rugari et a pris la population en otage pour transporter les vivres et les munitions vers le parc des Virunga. La RDF a même interdit à la MONUSCO d’avoir un regard. Elle l’a fait aussi avec la KDF. Naturellement, la population congolaise est inquiète. Au 15 janvier 2023, date de l’échéance, aucun geste. Actuellement la RDF tient de grandes réunions à Katale avec ses marionnettes du M 23. Un hélicoptère venu du Rwanda a atterri deux fois. La RDF a stocké la logistique à Katale. Cela présage les préparatifs d’une offensive. La MONUSCO constate mais reste muette. La situation demeure toujours préoccupante.
L.C. : Mais Kigali accuse Kinshasa de se retirer des accords. Comment interprétez-vous cette attitude ?
C.N.K. : C’est ridicule malheureusement, le ridicule ne tue plus. Nous devons nous préparer à la guerre déjà déclarée par le Rwanda. Toutes les preuves sont là. Le ChefEmg Christian Tshiwewe est passé pour réconforter les troupes. Il a rencontré les grands commandants, les commandants secteurs, régiments et a donné de grandes directives. La Force régionale atterrit à Goma. Le contingent FARDC n’est pas joint à la KDF contrairement au Sud-Kivu. Sur les lignes de front, l’ennemi est stoppé net. Il a préféré se cacher dans le parc mais la vie n’y est pas facile. Pour combien de temps, Kigali continuera à le ravitailler avec de l’eau potable ?
L.C. : Vous parlez avec assurance de l’ennemi. Qui est-il ?
C.N.K. : L’ennemi est connu. L’ennemi aujourd’hui est clairement identifié. C’est le régime Kagame. On ne s’en rend peut-être pas compte. C’est la victoire du Chef de l’État, Félix-Antoine Tshisekedi. Faire voir au monde entier ce qui se passe à l’est et surtout qui en est le responsable, c’est une bravoure. Cela contribue à diminuer sensiblement l’influence nocive du Rwanda sur la politique congolaise. Désormais, ceux de compatriotes qui espéraient aller à Kigali pour recevoir l’onction du pouvoir au Congo doivent déchanter. Cette influence de Kigali sur le Congolais date de l’AFDL. Plus rien ne sera plus comme avant.
L.C. : On vous accuse de violation de la liberté de manifester. Pourquoi empêcher les manifestations publiques ?
C.N.K. : Avec le terrorisme islamiste, nous devons savoir que des kamikazes existent et peuvent jouer au martyre. Nous avons aussi le Rwanda. Ce qui signifie qu’il faut s’attendre à des infiltrations. Nous devons être vigilants et surtout ne pas nous laisser manipuler. Voilà pourquoi nous conseillons d’éviter des attroupements. Nous comprenons la souffrance de la population. C’est de frustration légitime mais il ne faut pas prêter le flanc aux ennemis. La situation est compliquée. Nous conseillons à tous ceux qui tiennent des endroits publics à forte affluence de se prémunir des détecteurs de métaux. Il y va de notre sécurité à tous.
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Interview réalisée par Nicaise Kibel’Bel Oka
Musée/Goma ce 20 janvier 2023.