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RDC/Nord-Kivu. Mgr Paluku Sikuli Melchisédech. 25 ans d’abandon à la Providence de Dieu

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Dans une interview nous accordée pour ses dix années dans l’épiscopat, Mgr Melchisédech Paluku parle de l’abandon à la Providence de Dieu : « Suite à toutes les vagues des assaillants internes et externes, à des menaces de tout genre et de tout bord, personne n’était sûr d’être là. On a connu des moments difficiles, confronté à de grandes inquiétudes pour ce qui pouvait arriver, mais après avoir prié, médité, on a trouvé réponse à travers une parole à adresser soit à ceux qui habitent notre territoire, soit à ceux malveillants passés par la violence », Les Coulisses n°195-196 du 1er au 20 août 2008, pp. 16-17 »

Melchisédech Paluku Sikuli a été ordonné évêque du diocèse catholique de Butembo – Beni dimanche 2 août 1998. Véritable baptême de feu. Son ordination épiscopale coïncidait avec le lancement de la guerre d’agression. Le nouvel évêque n’a donc pas eu le temps de fêter pleinement son sacre. Il devait faire face à de nouveaux défis. Cela l’aurait marqué psychologiquement et spirituellement.

Le nouvel évêque est devenu « l’évêque de la guerre » qui devait orienter sa pastorale en une pastorale pour la vraie paix. Et depuis, il s’est jeté dans la guerre retroussant sa soutane aux côtés de ses ouailles, bravant peur et intimidation. Armé d’un courage évangélique extraordinaire.

Dès ce dimanche et devant une nouvelle guerre nous offerte par les États-Unis via le Rwanda et l’Ouganda, il devait parler, annoncer et dénoncer : ressources bradées et pillées, insécurité généralisée, vie commerciale déstabilisée, terrorisme, violence, haine et criminalité entretenues. Avec le révérend Mauka de l’ECC, ils dénoncèrent au nouvel an 2001, l’anarchie et l’arbitraire, l’incendie des villages et les massacres des populations, le viol des filles et des femmes. Bref, un tableau apocalyptique (Exode 3,7).

En juin 2001, il prit la liberté d’écrire au gouvernement ougandais pour lui faire part de la désolation des populations congolaises sur les exactions commises par les troupes ougandaises.

Six mois après, et la situation du bourbier congolais s’aggravant, le président Yoweri Museveni se résolut de l’approcher. Yoweri Museveni émit le vœu de le recevoir à Kampala pour, dit-il, parler et discuter sécurité : « The Uganda government is aware of the big security problems and the political turmoil on the Butembo, Beni sector, and wish to take this opportunity to discuss the way forward with you and the leadership of the civil society ».

La stratégie ougandaise consiste à soumettre le Congolais et, une fois en Ouganda, le mettre devant des réalités d’assujettissement (logement, déplacement) et de corruption. Or, ce genre d’offre est dangereuse car elle crée sa propre demande au moyen de persuasion et assujettit la personne.

Toute soumission, toute dépendance se traduit par un coût élevé de redevances au parrain agresseur qui dicte, manipule et impose son idéologie. Un président de la République ne rembourse pas les frais dépensés sans les avoir multipliés par dix, vingt : « Your transport and other expenses will be refunde on arrival ». Puisque la réponse de l’évêque tardait, l’Ouganda lui proposa l’envoi d’un hélicoptère à Butembo qui l’amènerait auprès du président Museveni.

La réaction du bon pasteur fut comme une bombe mais aussi une façon de laver la honte du Congolais. Une lettre au vitriol qui, non seulement décrit l’échec de la philosophie de l’agression de notre pays mais surtout, se présente en une véritable leçon de pédagogie sur la démocratie et la bonne gouvernance.

Le 20 décembre 2001 à travers M. David Pulkol, Directeur général External Security Organisation (ESO), le président ougandais invita l’évêque de Butembo-Beni à Kampala.

Conscient que pour vaincre le dernier bastion de la résistance congolaise, il faut conjuguer avec l’évêque catholique, autorité morale de Butembo-Beni.

En l’invitant à Kampala, il veut lui demander de coopérer. Cela s’entend comme une injonction à se taire, ne plus dénoncer l’occupation ougandaise mais collaborer en y apportant sa caution morale. Au niveau de la démarche du président ougandais, il y a lieu de souligner l’esprit de domination du maître de Kampala. Il veut soumettre l’évêque au service des clients criminels.

Dans sa réponse du berger à la bergère, Mgr Paluku Sikuli relève le cynisme des autorités de Kampala qui créent des crises artificielles de leadership dans les rébellions congolaises et, ce faisant, les règlent comme bon leur semble sans solliciter ni se référer à l’avis des dirigés congolais. La pression exercée à l’occasion par le parrain n’a jamais été amicale ni respectueuse puisque ne correspondant pas à l’intérêt collectif des populations congolaises. Wamba dia Wamba, Mbusa Nyamwisi, Roger Lumbala, Thomas Lubanga, Jean-Pierre Bemba, Adèle Lotsove … tous ont été humiliés à une étape ou une autre de leur servitude.

Du favoritisme à la corruption, il n’y avait souvent qu’une question de degré. Le favoritisme répondant directement à des prises d’intérêts. Assimilé à la corruption, ce type de favoritisme a toujours guidé dans le choix des marionnettes.

Et l’évêque congolais pose aussi le problème de la légitimité des rebelles : à dirigeant immoral, employé immoral. Ils servent comme prestataires des agresseurs contre leurs frères et sœurs.

En février 2002, les éléments de l’APC de Mbusa Nyamwisi envahissent la paroisse de Mbingi dans le Lubero et profanent le presbytère.

Mgr Melchidéch Paluku rappela à la conscience des rebelles congolais de mesurer le coût de la dépendance. Car, lorsqu’on est dominé, le coût de la dépendance est énorme.

Craignant pour sa sécurité, il lui arrivait de changer de lieu où passer la nuit, entre deux couvents de prêtres. Il prêchait la résistance et l’espérance se faisant défenseur des villageois massacrés, des champs ravagés par les forces d’occupation. Il restait le seul rocher sur lequel se brisaient les velléités des marionnettes congolaises dont certains malheureusement parmi certains de ses frères ethniques et leurs parrains ougandais.

Les rebelles du RCD/K-ML faisaient tout pour le décourager à travers des tracts pleins d’injures et des menaces de mort. Il résistait avec un courage qui étonnait.

Durant toute la période de l’occupation des armées de nos trois voisins de l’est, Mgr Paluku Sikuli Melchisédech est resté attentif à l’homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu.

Il a refusé de regarder l’histoire de ses ouailles à travers la fenêtre mais y est entré dedans, sentant et vivant dans sa chair les souffrances de toute cette population. On lut en lui la nécessité de l’engagement et de la prière pour obtenir la paix et la justice dans cette partie du Congo.

Comme, il le déclare dans l’interview, il a expérimenté ce qu’on appelle « la grâce de temps ». Car, « Dieu ne demande à personne et ne donne aucune charge sans qu’il vous donne la capacité de l’assumer ». Il l’assume avec joie comme Job.

Mgr Melchisédech Paluku Sikuli a prêché à tous les belligérants qu’il fallait : « Refuser la paix des cimetières qui sera source de nouvelles déceptions et socle de nouvelles guerres ». Il a prêché dans son combat contre l’occupation étrangère du territoire national l’amour de l’autre et le respect de la dignité des Congolais. Nous qui l’avons connu comme ami et avons admiré et accompagné sa pastorale, nous qui l’avons même exfiltré par deux fois de Butembo et logé à Entebbe, sommes fier de lui et remercions le Seigneur de l’avoir aimé et gardé en parfaite santé. Joyeuse fête à notre grand ami et bon pasteur, Mgr Melchisédech. (Extrait de l’ouvrage « Les marionnettes congolaises, Éditions du Panthéon, Paris, 2012).

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Nicaise Kibel’Bel Oka

 

 

 

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