RDC. Projet de nouvelle Constitution, le professeur Ndaywel fixe l’opinion :  » La RDC est un État souverain qui doit s’organiser en fonction de ses propres objectifs « 

(Carte de six provinces de la RDC proposée par le professeur Isidore Ndaywel avec répartition par nombre d’habitants).

« Samedi 19 août 2023, le professeur historien Isidore Ndaywel è Nziem a proposé un projet d’une nouvelle Constitution pour la RDC avec un mandat unique de 9 ans pour le Chef de l’État. De nombreuses personnes en RDC et en Afrique ont applaudi cette proposition. Par contre, certaines voix ont réagi négativement arguant que le temps est mal choisi comme s’il y avait un bon temps pour revisiter une Constitution. La Rédaction du journal Les Coulisses a approché le professeur pour plus d’éclaircissement sur sa démarche. Découvrons-le. »

Nicaise Kibel’Bel Oka : Professeur, votre proposition d’une nouvelle Constitution a créé des réactions négatives chez certains compatriotes. Comprenez-vous ces réactions négatives ?

Isidore Ndaywel è Nziem : Vu l’ampleur des problèmes que nous vivons, je comprends les réactions négatives. Une preuve de plus de la politisation à outrance de la vie nationale qui ne laisse pas de place à l’observation réelle des choses ou à la réflexion objective. Là où réside le malentendu, c’est que ma démarche est justement une recherche de solutions aux problèmes fondamentaux de notre peuple et non pas une manière d’accentuer les souffrances du peuple. Nous dénonçons tous l’abandon de la recherche de l’intérêt commun au profit du chacun-pour-soi, la banalisation de la violence devenue généralisée, la négligence des régions martyres, etc. Comment sortir de cette «  loi de la jungle » qui élit domicile chez nous ? Tel est mon souci.

N.K.O. :  Professeur, à votre avis, y a-t-il intérêt à ressusciter la CNS ?  

I. Nd : Un adage dit : « Quand tu ne sais où aller, retourne d’où tu viens ! » La Constitution de la CNS, c’est là où nous en étions, avant la conquête de l’AFDL. La Constitution de la République fédérale du Zaïre était en place. On se préparait à aller aux élections. Une Commission électorale était même déjà en place. Le rôle de l’historien est de mettre à la portée des citoyens d’aujourd’hui l’expérience du passé, parce qu’il peut y puiser des éléments utiles pour résoudre ses problèmes. Inutile de m’en vouloir parce que je fais mon devoir.

N.K.O. : Pourquoi seulement maintenant, cette question d’aucuns se la posent ?

I. Nd. : Parce que le pays est à la croisée de chemins. La « démocratie », telle que nous la vivons, ne nous conduit ni au bonheur ni au développement. La mauvaise gouvernance de notre territoire et de nos ressources naturelles, la montée de la précarité conduisant à des replis identitaires, nos interminables divisions internes, tout cela conforte l’opinion mondiale à l’idée de pousser notre pays à son éclatement. Face à cette situation, il nous faut réagir. Réagir vite et bien. Cela rejoint l’aspiration des Congolais au changement. Certains disent qu’il nous faut une révolution. Ce projet est précisément la matrice d’un changement en profondeur. On me dit que le moment est mal choisi. Qui peut donner le moment propice pour réviser une Constitution ? Sur quelle planète ?

N.K.O. : Une certaine opinion vous accuse de faire le lit du pouvoir actuel. Que lui répondez-vous ?I. Nd : En principe, la réflexion est une donnée permanente qu’on ne peut confiner dans un agenda. J’ai quand même attendu qu’on arrive à la dernière ligne droite conduisant aux élections de décembre 2023, pour initier ce débat, fruit d’un long travail mené depuis des années. En principe, il n’y a aucune confusion possible : nous sommes régis au présent par la Constitution du 18 février 2006. N’ayons pas peur d’un simple projet. Pour que les idées émises deviennent une réalité constitutionnelle, tout le monde sait qu’il y a plusieurs étapes à franchir. D’abord, il faut que cet « avant-projet » devienne « un projet » constitutionnel, après débats et toilettage juridique adéquat. Ensuite, il faut que l’initiative soit portée par une des instances habilitées à le faire : à savoir, le Président de la République, le Gouvernement, chacune des Chambres du Parlement ou encore, une fraction du peuple (100.000 personnes) s’exprimant par une pétition. Enfin, le projet devra être soumis au référendum. Personne ne peut donc imaginer que tout cela puisse se faire en trois mois.

N.K.O. : Justement professeur, selon vous, à quel moment peut-on soumettre ce projet ?

I. Nd: Je viens de rappeler la procédure. Tout cela ne pourra se faire qu’au cours du prochain quinquennat. Mais il est important de comment à y réfléchir dès à présent. Qu’on se le dise : il y a un lendemain à décembre 2023. Ceux qui me soupçonnent du n’importe quoi, peuvent-ils donner un « temps non suspect » pour une nation ?

N.K.O. : Quels sont les garde-fous pour le respect des clauses d’une telle Constitution ?

I. Nd : Cette question, je présume, concerne surtout ce qui a été préconisé pour le statut du Chef de l’État et de la durée de son mandat. Effectivement, je plaide pour le principe d’une présidence à mandat unique. Je suis conscient que cela n’est pas de mise à l’internationale. Mais la RDC est un État souverain qui doit s’organiser en fonction de ses propres objectifs. Au demeurant, cette innovation est pour moi valable pour l’Afrique d’aujourd’hui. Quel en est l’avantage ? Cela permet au Chef de l’État, quelle que soit son identité, sur sa mission d’assurer le bon fonctionnement de la république, d’éviter d’être constamment préoccupé de sa survie politique, puisqu’il aurait un autre mandat à briguer.

N.K.O. : Pourquoi avoir proposé un mandat de 9 ans ?

I. Nd : Cet élément, avancé à titre indicatif, est tiré de notre pratique actuelle. Une présidence à mandat « de cinq ans, renouvelable une fois», signifie que la durée maximum du mandat présidentiel est de 10 ans. Dans nos pays, cette durée maximum de 10 ans est presque toujours acquise sauf très rares exceptions. On peut donc se permettre de faire l’impasse de cette élection de deuxième mandat, mais de renforcer les mécanismes de contrôle du président et même d’envisager une évaluation mi-mandat. Cela permet de réguler la paralysie saisonnière du bon fonctionnement des institutions à cause de la fièvre électorale et de faire l’économie de fortes sommes d’argent qui sont consacrées à ces élections. Cela permet aussi de concentrer la vigilance de tous sur le respect strict de ce mandat unique qui ne peut être dépassé.

C’est ici qu’intervient la préoccupation sur les garde-fous pour le respect de tous ces principes. Le régime fédéral en lui-même en constitue un premier élément, chaque région disposant de sa Loi Fondamentale à laquelle elle se soumet en plus de la Constitution. Les Commissaires de province, parce que nommés par le Chef de l’État, échappent à la tutelle stricte des Gouverneurs de Région.  L’autonomie de la justice, disposant de son propre budget et celle du parlement dont la mise en place est indépendante de celle du Chef de l’État présentent d’autres mécanismes de surveillance. Les différentes branches de la Police et la Gendarmerie s’occuperont du maintien de l’ordre.

N.K.O. : Quel est, en un mot, le bien-fondé de cette nouvelle Constitution pour la population congolaise ?

I. Nd : Le bien-fondé de la nouvelle Constitution? Assurer la gestion effective du pays, d’un bout à l’autre du territoire national, maximiser les efforts de développement de chacune de ses entités, mettre de l’ordre dans les différents secteurs de la vie nationale. Comme dans d’autres pays du monde, les citoyens conscients constitueront toujours une minorité. La grande majorité ne pensera respecter la loi que si les sanctions sont justes et strictes pour tous. Ne dit-on pas que la peur du gendarme est le commencement de la sagesse ? Bien plus, on n’est pas obligé de suivre mes propositions. L’essentiel est de refuser la fatalité et de chercher de nouvelles voies pour améliorer nos existences. N’ayons pas peur de débattre des idées nobles qui peuvent aider à faire avancer notre pays.

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Entretien avec Nicaise Kibel’Bel Oka

 

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