(Serena hôtel. Réunie autour de l’UNPC, la presse de Goma célèbre la journée du 3 mai. Photo tiers).
3 mai. Journée internationale de la liberté de la presse célébrée dans le monde entier, en RDC et particulièrement au Nord-Kivu. Mais sous quels thèmes ? Je me suis posé cette question parce que le rôle de la presse, tel que je le conçois est et restera celui de dire aux gens ce qu’ils doivent savoir. Sur leur environnement, leur province, leur pays, leur sous-région. Et que je me suis plongé dans ce métier de journaliste qui est d’enquêter, recouper, vérifier pour essayer de donner l’information la plus exacte possible, sans me laisser manipuler, ni instrumentaliser. Comment dans un pays agressé et occupé, l’on pouvait retenir comme thème « Lutte contre le discours de haine au Nord-Kivu » A Kinshasa, « la liberté de la presse contre la désinformation et le discours de la haine. » D’où est venu ce thème et qui l’a proposé pour que des confrères et consœurs se l’approprient avec aisance et festoient ? Y’at-il des discours de haine dans les médias congolais singulièrement dans ceux du Nord-Kivu ? Je n’y crois pas. Quel sont les vrais problèmes de la presse en RDC ? En tous cas pas le discours de la haine. Au Nord-Kivu, la presse écrite tend à disparaître avec la volonté de ceux qui ne financent que l’audiovisuel. Pour qu’il n’y ait pas d’archives ? La presse en ligne avec des animateurs souvent ramassés charcute la langue sans pitié (or, le premier instrument du journaliste, l’arme du crime, c’est la langue). Même sous agression et sous occupation, la RDC vit toujours sous le régime d’imposition et de soumission. Je suis choqué que devant le Chef de l’État, le représentant de la Suède vante le partenariat financier avec la presse de Kinshasa et qu’à Goma, la fête de la presse soit organisée avec le financement de la MONUSCO. Même pas sous le patronage du Gouverneur de province. Même si le pays est en crise. Le journaliste d’aujourd’hui en RDC ignore ce qui se passe autour de lui, dans son pays. Médias grégaires qui emboîtent les pas aux idées reçues concoctées dans des laboratoires contre la RDC jusqu’à manquer d’originalité et d’esprit critique. Au matin du 3 mai, j’ai suivi en live une petite et captivante discussion sur le tribalisme et le manque de démocratie dans la presse de Goma. Voilà un thème, par exemple. Dans cette ville volcanique, il semble que l’une des causes de la haine (puisqu’on ne cesse de nous rabattre les oreilles), due à la violence armée de ces trois décennies serait l’injustice sur base de la confiscation/falsification des propriétés foncières (et le gouverneur Ndima Kongba en a parlé le 29 avril 2023 devant les magistrats et les auxiliaires de la justice), aucun journaliste n’ose en parler. Tout comme l’affaire qui défraie la chronique : Rubaya avec ses minerais du colombo tantalite. Le défi pour la presse en RDC reste celui de faire correctement notre métier, de trouver ce que les citoyens ne peuvent pas trouver par eux-mêmes. C’est celui de ne plus accepter que les informations sur le Kivu et l’Ituri, sur la RDC nous viennent de l’extérieur. Que demain, des films sur le coltan de Rubaya soient produits par et de l’extérieur. Le doute, ai-je appris, se place au cœur de la déontologie du journaliste car seul ce qui résiste à l’épreuve du doute peut être tenu pour vrai. Que la quantité d’informations monotones (sans contenu réel sur les réseaux sociaux) n’est pas forcément un critère de démocratisation. La loi Muyaya est claire sur la définition du journaliste. Au minimum : avoir le niveau d’étude de licence. C’est une loi de défis pour la salubrité de la presse en RDC. Tous ceux qui ont festoyé à Goma, Beni, Uvira répondent-ils à ce critère essentiel ? Les églises de réveil nous répètent que Jésus n’avait pas étudié. Le changement de narratif est utile et urgent. Droits et devoirs du journaliste. Aussitôt promulguée, nous devrions l’appliquer. Notre presse est caractérisée par trop de conformisme ambiant, des épidémies d’idées. Cela ne peut en rien nous avancer moins encore profiter au pays agressé et qui ploie sous le projet de balkanisation. Conséquence : tous, on court derrière le coupage. Ce qui explique l’existence des cartels dans la presse semblables à ceux de la drogue. L’argent qu’on pourchasse est l’instrument de la servitude. N’oublions jamais que l’information demeure un bien commun. Aussitôt que le Rwanda a lancé sa guerre contre la RDC, des journalistes ont été chassés des localités sous contrôle du M 23. Privés du droit d’informer, ils vivent en errance comme des clandestins. Bonne fête aux fêtards et bonne méditation aux autres qui, par haine et/ou manque, par principe et/ou exclusion, n’ont pas été invités à la table des financiers de la presse de la RDC.
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Nicaise Kibel’Bel Oka/Les Coulisses