RDC.Goma. Xème édition du Festival Amani. heureux le peuple qu’on fait danser sous les bombes !
(Goma. Des jeunes font passer le vrai message aux organisateurs de la Xème édition du festival Amani).
Le Festival Amani a fini par avoir lieu samedi 16 et dimanche 17 novembre 2024 à la grande satisfaction des organisateurs. Et ce, après des tentatives d’annulation et des pressions exercées sur le maire de la ville de Goma. Une semaine après, plus personne n’en parle. On dirait que ce festival n’a jamais eu lieu. Et pourtant, il est à sa dixième année. Cette dixième édition aura été, à en croire les participants, le plus médiocre de toutes les autres.
Certes la musique adoucit les mœurs. Et après les deux jours de réjouissances, organisateurs et sponsors partis, on retombe dans les stress et la dépression. Cela fera dix années d’une sorte de pansement qui ne guérit pas. La paix se gagne dans les cœurs et au front. D’abord au front, puis dans les cœurs. Autrement, toutes ces églises qui pullulent auraient déjà ramené la paix par des incantations de louange à Dieu.
Trois jeunes participants au festival Amani nous livrent leur impression.
Peter Kabunga (26 ans) raconte : « C’était terne. Les gens ont porté le vrai message du Nord-Kivu sur des écrits de fortune et ont crié à la paix. La paix que veut le Nord-Kivu, c’est avant tout le retour des déplacés de la guerre d’agression rwandaise dans leurs milieux d’origine. C’est la fin de la guerre. Goma est asphyxié ».
Pour Desanges Kavira (24 ans) : « Nous voulions faire voir au gouvernement que nous n’accepterons jamais le changement de la Constitution. Nous les jeunes du Nord-Kivu, allons barrer la route à tous ceux qui veulent changer la Constitution. Et le festival Amani a été le lieu indiqué pour crier notre ras-le-bol ». Effectivement, on pouvait lire des messages différents lors des concerts. Prince Mashako (27 ans) : « Voilà deux années qu’on assiste à une guerre de routine et oubliée. Les Occidentaux jouent à l’équilibriste. Ils continuent à financer l’armée rwandaise (RDF) et à fournir l’aide humanitaire aux populations congolaises déplacées. La recette de la paix par la danse et les chants n’a pas donné des résultats escomptés. Qu’on nous donne la paix et nous allons chanter et danser par nous-mêmes ».
Voulu comme un exutoire pour ramener la paix par les chants, les cris et la danse, le Festival Amani a vieilli et semble à bout de souffle. Parce que les organisateurs savent qu’ils ne peuvent pas tromper indéfiniment la population.
La ville de Goma est asphyxiée. Au propre comme au figuré. Le spectacle des enfants avec bébé au dos qui quémandent dans les rues suppliant les conducteurs des voitures est désolant. Ils sont partout, visibles à l’œil nu. Les bombes peuvent tomber dans les camps des déplacés. La guerre est dans la ville. Malheureusement, cela n’émeut personne.
Le Festival Amani s’est tenu dans un climat de forcing. Aucun engouement populaire vers l’événement. Preuve ? On a compté moins de festivaliers.
Pour rappel, le 12 novembre 2024, le maire de la ville de Goma, le commissaire supérieur Faustin Kapend Kamand faisait noter ce qui suit : « Le festival Amani n’est pas autorisé au lieu et date telque prévu par les organisateurs ». Il ajoutait diplomatiquement « Pour des raisons de sécurité ».
Le 13 novembre 2024, Mme Roxine Bilderling, ambassadeur de Belgique à Kinshasa regrettait cette décision après avoir tenté en vain de convaincre le gouverneur militaire : « Une perte de lueur d’espoir pour les jeunes qui pensaient chanter et célébrer la paix ». Et ce communiqué des organisateurs qui croyaient se placer au-dessus des lois : « Comme chaque année, nous avons mené des contacts avec tous les mouvements citoyens et les groupes de jeunes de Goma y compris ceux ayant exprimant des préoccupations ».
Tard, le 15 novembre, le maire annonçait que « La situation s’est améliorée ».
Même pour chanter et danser, il faut une imposition extérieure européenne. En clair, ceux qui imposent aux populations meurtries de rire et de danser sont capables aussi d’imposer la fin de la guerre. Heureusement que verser les larmes leur échappe.
Revenons à la réalité du terrain. De nombreuses personnes n’ont jamais été d’accord avec le Festival Amani pensant, à tort ou à raison, que cet événement veut donner l’image d’une ville qui resplendit avec des habitants ayant intériorisé la violence, tolérant enfin l’agression dont le Congo est victime.
La population de Goma et celle de l’ensemble de l’est vit le mal-être qui se manifeste dans divers domaines psychologique, existentiel, affectif, sexuel, relationnel et social. Les Congolais de l’est ont besoin d’une guérison par une psychothérapie de l’âme collective qui s’intéresse aux facteurs socio-économiques, politiques et culturels reliés au problème de la violence comme mode de vivre, faite homme.
Comment reprocher aux Kinois qui vivent dans une ambiance festive si à Goma on danse et on boit comme si la guerre était devenue une seconde nature ?
Organisateurs, financiers et sponsors n’ignorent pas que la République démocratique du Congo est agressée par le Rwanda et que Goma est devenue, après la capitale mondiale du viol, celle des déplacés de la guerre. Chanter la paix et danser pour la paix qui tarde à venir est-il la solution ?
Voit-on des Ukrainiens, des Libanais et des Pakistanais et autres Soudanais danser sous des bombes pour le retour de la paix dans leurs pays ?
Comment peut-on consoler toute une génération qui n’a connu que la guerre et qui expérience la violence dans son subconscient ? Pas en dansant à tue-tête surtout quand cette façon de danser se fait accompagner des drogues et autres. Aidez le Congo à vivre en paix.
Le « Festival Amani n’est pas ce qu’on présente ni la solution à la fin de la guerre ».
Le lobby auprès de l’Union européenne qui continue de financer le Rwanda aurait plus de crédit à mettre fin à la guerre que de commander des émotions par le chant et la danse durant deux à trois jours chaque année. En attendant la onzième édition, pensez-y.
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