( Museveni et Muhoozi, le père et le fils. Objectif State house. Photo tiers)
Ouganda. L’élection présidentielle aura lieu en 2026. Jusque-là, on ne connait pas encore les noms des candidats potentiels à la succession du président Museveni au pouvoir depuis 1986.
A la question « Qui succédera au président Museveni ? », les réponses sont complexes et ne font pas l’unanimité. D’abord, au sein de son parti, la NRM, les voix s’accordent à dire que le président Museveni est encore fort et, s’il doit mourir, autant mieux qu’il meure au pouvoir. Ensuite, au sein de son cercle restreint, l’on pense à une transition à laquelle son fils unique, le général Kainerugaba Muhoozi (50 ans) pourrait prendre les commandes de l’Ouganda.
Le général Muhoozi est un patrimoine de son père. Intelligemment, le président Museveni a mis à la retraite tous ses compagnons de lutte et a nommé dans des postes politiques notamment dans les institutions les anciens chefs d’états-majors avec des salaires triplement supérieurs pour qu’ils n’y aient pas le temps de penser au mandat présidentiel.
Enfin, certaines voix notamment dans la jeunesse et l’opposition se lèvent pour exclure une succession familiale arguant que l’Ouganda n’est pas une monarchie et que le temps de la dictature est révolu.
Des scénarii sont présentés dans des laboratoires avec des solutions de probabilité évidentes.
Premier scénario. Museveni s’accroche au pouvoir.
Rien n’empêche le président Museveni, ce, malgré son âge officiel de 80 ans, d’être candidat à sa propre succession. Depuis le 12 juillet 2005, la Constitution a fait sauter le verrou du nombre de mandat à la présidence de la République ougandaise et depuis le 20 décembre 2017, l’autre verrou sur la limite d’âge est également tombé laissant au président Museveni une possible éternité à la tête du pouvoir. Ce scénario appliqué, des violences s’ensuivront dans tout l’Ouganda notamment dans les grandes villes provoquant mort d’hommes. Le président Museveni a des atouts et des soutiens. Il raconte à tout venant qu’il a une mission pour son pays, rendre son peuple heureux. Et cette mission, il la remplit grâce à l’argent généré par le pétrole du lac Albert. En clair, il compte sur le soutien de la multinationale TOTAL Energies.
Deuxième scénario. Le fils Muhoozi succède au père
( Le général Chief Commander UPDF, Muhoozi Kainerugaba, possible candidat au State house en 2026. Photo tiers).
Les positions du général Muhoozi sur la succession à son père n’étonnent plus. C’est depuis 2013 que le secret jalousement gardé avait été révélé au public à travers une indiscrétion du général David Sejjusa, alors chef des services du renseignement intérieur (ISO). A cette époque Kainerugaba Muhoozi, fils unique de Museveni issu de son union avec Winnie, avait le grade de général de Brigade au sein de l’Uganda People Defence Force’s (UPDF). Naturellement, la présidence de l’Ouganda avait traité cette information de pure rumeur mais a contraint le général Sejjusa à l’exil. Entre les lignes de la réaction du président Museveni selon laquelle : « Cet homme (son fils) est un officier de l’armée. Il ne s’intéressera certainement pas à la politique si jeune », on pouvait croire à l’indiscrétion de David Sejjusa.
Avec le temps, le général Muhoozi montera des galons et occupera différentes fonctions jusqu’à être nommé Chief Commander (Chef d’État-major général de l’UPDF) le 21 mars 2024. Il parviendra à effacer de la scène politique même le tonitruant oncle paternel, Salim Saley.
Avec le général Muhoozi Kainerugaba, c’est un changement d’attitudes et d’approches géopolitiques dans la continuité. Il a l’avantage de mieux comprendre les rouages de la gestion de l’Ouganda. Il dispose d’un carnet d’adresses avec ouverture sur les amis de son père, Britanniques, Israéliens, Français et Américains. Rarement, l’Occident ne parle (en mal) de lui. Il est une garantie sûre genre chèque en blanc pour les amis de son père. Car, avec ou sans son père, les investisseurs Indo-pakistanais qui brassent des millions de dollars $ en Ouganda pour le compte des Anglo-saxons se sentent toujours en sécurité.
Avec le galon, le général Muhoozi devient hautain, insaisissable, incontrôlé et incontrôlable. Il menace tout le monde, des opposants au régime comme des Chefs d’État étrangers. Il contredit son père et affiche clairement son soutien à la rébellion du M23 et à « son » oncle Paul Kagame. Il pouvait d’ailleurs écrire sur son compte X : « La seule façon pour moi de remercier ma grand’mère est de devenir le président de l’Ouganda. Je le serai certainement ».
Muhoozi nommé successeur de son père, l’Ouganda sera en ébullition. De grandes manifestations de protestation conduiront à la violence aveugle et donc, à la répression sauvage.
Troisième scénario. Une compétition loyale
Dans ce scénario, de nombreux candidats pourraient se présenter comme le veut la Constitution. L’élection pourrait se dessiner autour d’un candidat issu de l’ethnie majoritaire, le Baganda. C’est dans ce scénario que les Bob Wine vont se retrouver pour la compétition électorale présidentielle. Ici, les opposants auront à scruter à la loupe le règne sans partage de Museveni ponctué par des détournements, la pauvreté et les guerres. Ce scénario a l’avantage d’être moins conflictuel et de permettre une passation pacifique du pouvoir entre Museveni et son successeur. La question demeure. Le clan Museveni se laissera-t-il faire ? Les éléments RDF ne viendront-ils pas à la rescousse du clan Museveni ?
L’impact dans la région
Le premier et le deuxième scénario sont une garantie pour le clan Museveni (39 ans au pouvoir) de ne pas être poursuivi pour de nombreux détournements et des crimes économiques commis durant son règne. La vraie et sérieuse inquiétude reste le régime de Paul Kagame qui voit dans le départ de Museveni sa déstabilisation. Il y a deux points communs qui lient les deux régimes fraternels du Rwanda et de l’Ouganda, à savoir le pouvoir se gère à travers l’état-major (et donc l’armée) et surtout le renseignement militaire. Deux, la défense de la « minorité Tutsi » et le soutien aux rebelles du M23. Sur ce point précis, Museveni comme son fils soutient l’agression rwandaise de la RDC et surtout n’apprécie pas la venue de la force de la SADC.
Au-delà du régime de Paul Kagame, il faut interroger les grandes puissances notamment les États-Unis, la Grande-Bretagne, Israël, la France qui soutiennent le régime à parti unique de Museveni mais également les institutions de Breton Wood qui financent des plans du néolibéralisme.
En soldat bien formé et rôdé au front, le général Muhoozi est un rempart pour les Occidentaux dans la protection d’un Sud Soudan encore fragile et de la Somalie. Sur ce point, avec ou sans son père au pouvoir, le général Muhoozi peut toujours compter sur le financement des grandes puissances anglo-saxonnes et de la France à travers Total Énergies.
De nombreux observateurs sont convaincus qu’une élection démocratique en Ouganda va changer la donne au niveau régional et pourrait créer des conditions de paix et de cohabitation harmonieuse entre les peuples. Le peule de l’Ouganda pourra montrer sa maturité en imposant des autorités qu’il aura lui-même désignées et voté. Pourvu qu’il tienne à sa souveraineté. Dans l’entretemps, observons l’évolution de la situation.
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Nicaise Kibel’Bel Oka