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RDC. Trois questions au journaliste Kibel’Bel Oka à propos de son nouveau livre sur « les ADF/MTM et Al Sunnah »

« L’État islamique en Afrique centrale. De l’ADF/MTM en RDC à Al Sunnah au Mozambique » 210 pages, Editions Scribe /Bruxelles. Le livre porte la signature du journaliste Nicaise Kibel’Bel Oka. Il aborde avec professionnalisme tous les contours du jihad islamique qui écume l’est de la RDC jusqu’au Mozambique. Le journaliste passe au peigne fin les difficultés rencontrées sur le terrain par les Forces de défense et de sécurité de la RDC face à un ennemi insaisissable qui s’est métastasé : variation de stratégie, infiltration, cloisonnement, manque de planification et d’anticipation, population locale au double visage, résilience, mutation et allégeance, mutualisation des forces… rien n’a échappé à ce journaliste spécialisé dans le domaine de la défense et sécurité. 

Patrick Ilunga. : Monsieur Nicaise Kibel’Bel Oka, vous venez de sortir un énième livre au titre révélateur « L’Etat islamique en Afrique. De l’ADF/MTM en RDC à Al Sunnah au Mozambique ». De quoi parle cet ouvrage et qu’est-ce qu’il apporte de nouveau sur les ADF ?

Nicaise Kibel’Bel Oka : le livre vient de sortira aux Éditons Scribe/Bruxelles. Il aborde l’évolution de ce groupe MTM qu’on appelle abusivement « ADF » dans tous ces changements jusqu’à son allégeance à l’État islamique pour en constituer la Province Afrique centrale (IS-CAP). Il y a plus. L’ouvrage donne une lecture compréhensive sur l’identité et les stratégies de l’ennemi. En référence au grand stratège Sun Tzu qui enseigne « Connais-toi toi-même et connais ton ennemi si tu veux compter des victoires », nous mettons notre expérience de l’investigation et nos connaissances de la guerre asymétrique et de l’ennemi qui endeuille les populations de l’est à la disposition de la république singulièrement de nos forces de défense et sécurité.

P.Il. : Comment expliquez-vous l’attitude de certains compatriotes et experts occidentaux qui contestent votre thèse du terrorisme islamiste ?

N.K.O. : Ils ont tous disparu de la scène. Je suis journaliste d’investigation et formateur en journalisme d’investigation par hypothèse. Le principe de l’investigation repose sur un travail fouillé dans la durée, rigoureux et fiable basé sur des sources et témoignages crédibles. On ne peut pas faire de l’investigation en un jour, dans une chambre d’hôtel ou le pied dans le lac. Un exemple. Nous sommes les seuls avec le général Marcel Mbangu à avoir dévoilé la vraie identité des terroristes, à savoir Madina at Tauwheed Wal Muwawedeen, MTM. En février 2021, un ami de la RDC qui s’intéresse à mes travaux m’a fait un cadeau spécial : deux photos avec des lampes-torche portant mention « MTM » que le général Lucien Bauma avait récupérées au front avant sa mort en 2014. Combien de personnes ont cru que les ADF, une abréviation qui n’a aucune base religieuse, ne sont pas des rebelles ougandais ? Tout le monde attend que les chercheurs occidentaux et les experts des Nations-unies prêchent leur évangile pour y croire. Et pour montrer leur mauvaise foi, aucun expert et/ou chercheur occidental ne cite nos travaux. Ils s’en réfèrent sans y faire allusion. C’est ça la malhonnêteté intellectuelle. Le Congolais est encore mentalement colonisé. Ce qui se passe dans le Nord-Kivu et une partie de l’Ituri relève du jihad islamiste. Les assassinats des imams de Beni comme ceux de nombreuses personnes obéissent à cette guerre de la foi. Le jour où tout le monde le comprendra, le front changera de visage et on pourra espérer une victoire des FARDC sur les terroristes MTM.

P.Il : Comment faites-vous pour y arriver ? L’investigation est-elle facile pour un journaliste ?

N.K.O. : L’investigation, c’est du journalisme réservé aux courageux. Ce n’est pas facile surtout quand on est journaliste congolais combattu à mort et sans soutien financier mais il faut faire un choix. Ceux qui nous diabolisent reçoivent des millions de dollars $ pour se pavaner en RDC. Et dire que certains compatriotes se sont donné le luxe de nous vilipender et de contester nos travaux par jalousie et par mauvaise foi. Avec intention de nuire. Ils ont honte de reconnaître qu’ils se sont trompés et qu’à cause d’eux, une vraie lecture du terrain et de l’ennemi a échappé à l’armée. Les contestations inutiles n’ont fait que compliquer les opérations au front et croître le nombre des morts. Depuis janvier 2014, je crie (comme dans le désert) que les FARDC font face à un terrorisme islamiste sur base de guerre asymétrique et qu’il faille adapter les troupes au modus operandi de l’ennemi, personne ne me croit. Au sein de nos services de défense et sécurité comme au sein de la MONUSCO, on cherche des justifications des tueries ailleurs. Et comme on peut s’en rendre compte, la guerre devient un vrai business du sang, profitant aux charognards. Le livre donne des pistes intéressantes sur base des faits analysés et détaillés avec professionnalisme. Il faut lire le livre. Je dirai mieux, il faut l’acheter et le distribuer aux officiers FARDC dans les écoles et sur le front.

Propos recueillis par Patrick Ilunga

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