mardi, décembre 10, 2024
Politique

RDC. Page d’histoire. La guerre de Beni de 2001. J.-B. Bemba contre Mbusa Nyamwisi. Les vraies raisons

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(Beni/Boïkene 2001. Quelques éléments PPU (unité de protection présidentielle) de la garde à la résidence de Mbusa Nyamwisi. Archives Les Coulisses).

Sans chercher à polémiquer avec l’historien Thomas Luhaka, il est important pour la postérité de donner la vraie version des affrontements qui ont opposé Jean-Pierre Bemba à Mbusa Nyamwisi en juin 2001 dans la ville de Beni et que le journal Les Coulisses avait couverts avec professionnalisme. In tempore non suspecto.

Les raisons de la guerre : le leadership et l’argent.

Tout part de la volonté du patron du RCD/K-ML de régner seul sur son fief naturel. Cette volonté exprimée date de 1999 avec des événements qui ont conduit d’abord à l’arrestation de François Muamba et finalement à l’assassinat du major ougandais Ikondere après l’attaque des maï-maï. Esras Kambale Bahekwa et François Muamba, arrêtés et gardés au barracks de l’l’UPDF à Beni sont encore vivants et peuvent en dire plus. Les mêmes raisons sont à la base du conflit de leadership entre le professeur Wamba dia Wamba et Mbusa Nyamwisi. Le jour de l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila (le 16 janvier 2001), le président Museveni réunit à Kampala (International Hotel) les deux rébellions dont il est parrain, à savoir le MLC et le RCD-KML pour une fusion qui produit le Front de Libération du Congo (FLC). L’aile du professeur Wamba dia Wamba avec ses acolytes dont Esdras Kambale Bahekwa et Claver Pashi, Jean-Louis Kyaviro rejettent cette fusion. L’aile Mbusa Nyamwisi accepte de bouts de lèvres. La goutte d’eau, c’est lorsque Jean-Pierre Bemba décide de s’installer à Beni dans la concession ENRA, l’entreprise de son père. S’installer à Beni est une provocation et un étouffement pour Mbusa Nyamwisi et ses hommes. Boudant cette présence, Mbusa Nyamwisi part pour l’Afrique du sud. En un mois (fin février 2001) par impulsion de Jean-Pierre Bemba qui s’est rendu en personne par hélicoptère à Kasindi, poste douanier, le FLC a canalisé vers la Banque centrale (BCDC) un million de dollars $ contre des modiques sommes tournant autour de 50 à 100 mille que le RCD-KML produisait par mois. La présence de Jean-Pierre Bemba, qui combat la fraude douanière, met mal à l’aise les commerçants habitués à la fraude et certains cadres du RCD/K-ML qui en bénéficiaient. Bref, au problème du leadership pour lequel Mbusa Nyamwisi s’est battu et pour lequel le sang             a coulé, vient s’ajouter le problème d’argent des Nande dont Bemba, qui n’est pas originaire du Grand Nord, veut s’accaparer. Le MLC a asphyxié les commerçants et les jouisseurs. Il doit partir. Son départ n’est possible qu’avec la complicité et l’appui de l’UPDF. Le commandement UPDF aurait reçu de l’argent pour ce faire.

Les affrontements proprement dits

Ce samedi-là, le journaliste Kibel’Bel Oka rencontre le colonel Gédéon Kibonge à son domicile de CAPACO. Pendant 4 heures, autour d’un verre de bière, il lui explique que le RCD/KML est déterminé à déloger le MLC de son fief. Le Colonel Kibonge (MLC) fait semblant de ne rien comprendre. En réalité, il a déjà été contacté par le RCD-KML et s’active à mettre au point l’offensive pour chasser Bemba de Beni. Les affrontements commencent timidement dimanche par des provocations. Lundi, tout dégénère. Pépé est envoyé à la résidence familiale de Nyamwisi pour calmer ses anciens amis. Le commandant Pépé, Hema et ancien boucher au marché de Beni, est devenu soldat. Il sera abattu. Bemba comptait sur Gédéon Kibonge et le colonel Omari (bataillon Tia mutu bakata qui commandait la ville). Or, Kibonge et Omari venaient de passer dans le camp ennemi. Dans sa ronde sur le terrain des affrontements, le journaliste Nicaise Kibel’Bel rencontre le colonel Omari. Ce dernier communique avec le commandant Claude Kiiza, aide de camp de Mbusa Nyamwisi. Ce dernier, pour le lui prouver, connecte la fréquence Motorola de Bemba aux hommes de l’APC qui peuvent suivre tous les ordres de Bemba. L’UPDF joue à la ruse. Les Ougandais demandent à Jean-Pierre Bemba de regrouper ses hommes dans la concession ENRA (officiellement pour éviter la confusion avec les hommes de Mbusa Nyamwisi) afin de permettre à l’UPDF de les neutraliser. Bemba tombe dans le piège. Il se retrouve dans la concession avec ses hommes (du moins ceux qui étaient dans la ville). Ce qui permet aux hommes de Mbusa Nyamwisi d’attaquer. Ils occupent tout le quartier Mabakanga et Boïkene et peuvent soumettre Bemba aux tirs nourris en véritables guérilleros. Jean-Pierre Bemba ne peut pas attaquer le quartier Boïkene depuis l’ENRA et ce, malgré les armes lourdes dont il dispose. S’il attaque, il va raser tout le quartier avec l’orgue de Staline qu’il tient entre ses mains. Ses collaborateurs le supplient de ne pas réagir de peur d’être accusé de crime contre l’humanité. Jean-Pierre Bemba essaie de joindre le président Museveni, Impossible. Comme à l’époque avec Wamba dia Wamba dans la guerre de Bunia l’opposant au duo Mbusa-Tibasima. L’entourage du président Museveni avait la mauvaise habitude de déconnecter la ligne que M7 utilise pour parler avec les chefs rebelles congolais quand ils veulent faire partir un chef rebelle qui ne les soigne pas. Finalement, au bout de deux jours, il joint le président Museveni qui ordonne l’arrêt des combats. Sous escorte ougandais et en file indienne, Bemba et ses hommes humiliés prennent l’avion pour Gbado-Lite. Bemba partira avec le colonel Gédéon Kibonge et Louis Mubindukila (paix à son âme) arrêtés pour haute trahison et tentative d’assassinat. Cette histoire a été publiée dans l’une des éditions du journal Les Coulisses sous le titre : « Incroyable. La milice de Mbusa Nyamwisi déchire le brevet d’invincibilité de l’ALC de Bemba ». Un jour dans l’avion, le journaliste Kibel’Bel Oka demande à Jean-Pierre Bemba pourquoi il ne libère toujours pas le prisonnier politique Gédéon Kibonge, le chairman lui répond faisant allusion au journal Les Coulisses : « Kibonge n’est pas un prisonnier politique. Tu sais bien qu’il cherchait à me tuer. Si j’étais rancunier, j’allais le tuer puisqu’il avait opté pour m’ôter la vie. Tu l’avais expliqué dans les détails dans ton journal. » Mbusa Nyamwisi régnait à nouveau sur le Grand Nord et Bemba sur Gbado-Lité. L’histoire restituée.

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Rédaction/Les Coulisses

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