Grands Lacs. Le Rwanda de Kagame, un grain de sable dans le système de défense de la RDC

(Février 2022. Le Gou-pro du Nord-Kivu, Lt-Gén Constant Ndima visite le front Sukola II contre le M23 retranché sur les escarpements de Chanzu. Archives Les Coulisses)

Le même refrain, le même refus d’accepter les évidences. Le Rwanda ne soutient pas le M23. Le Rwanda n’a rien à voir avec le M23. C’est une affaire des Congolais entre eux. Il en fut de même avec le RCD jusqu’au raid sur Kitona. Qui répondrait à cette interrogation : « Qui arme le M23 ? Par quelles voies les armes et munitions du M23 passent pour atterrir dans les montagnes du Kivu ? » Comme ses prédécesseurs du RCD et du CNDP dans la déstabilisation du pays, le M23 dispose du matériel militaire nocturne qui lui permet de lancer des opérations la nuit. Mais le stratagème est connu : « Le

Rwanda prédispose une unité spéciale qui ouvre les hostilités en attaquant les localités la nuit, occupe des bastions et, au matin, se retire pour laisser place à ses supplétifs M23. Les soldats de la RDF consolident alors les arrières du M23 », explique un observateur. L’espace géographique des affrontements est toujours le même, le triangle à trois dents Tchanzu-Jomba-Bunagana. Derrière les montagnes surplombant Cyanika (Rwanda) et Kisoro (Ouganda) et Jomba (RDC).

La bonne foi de Tshisekedi abusée

Jamais Kagame n’a été aussi proche des dirigeants congolais que sous la présidence de Félix Tshisekedi. Accolades, promenades main dans la main, les deux Chefs d’État ont montré à la face du monde qu’il était possible de construire la paix ensemble. Dans les intentions. Même l’enfer est pavé de bonnes intentions. Félix Tshisekedi a ouvert grand les bras à son homologue rwandais : structure d’échange de renseignement renforcée, la compagnie d’aviation Rwand’air autorisée d’exploiter l’espace congolais, les minerais de Rubuya, etc. Des sources fiables, le problème de la sainte colère du Rwanda réside dans le retard que prend la demande d’intervention de son armée en RDC. Le Rwanda a sollicité des opérations conjointes au Kivu. Il ne comprend pas que Kinshasa puisse autoriser l’UPDF et non la RDF. Du point de vue économique, l’asphaltage de l’axe Bunagana-Rutshuru-Goma préjudicie Kigali. C’est encore l’Ouganda qui a le marché. Pus cela tarde, Kigali sent tout lui échapper et doute désormais de la bonne foi de Kinshasa. Or, si la présence sur le sol congolais des soldats ougandais est à peine tolérée, celle des Rwandais irrite à Goma. Alors, Kigali secoue le cocotier en réchauffant le M23 juste quand l’État-major général des FARDC est à Goma. Cette stratégie est payante. D’abord, elle tient à discréditer l’État-major général des FARDC en lui lançant des défis sécuritaires. Le résultat est atteint à court terme. Le général Ekenge serait en voie d’être sacrifié. Il est accusé d’avoir mal communiqué. Et les naïfs y croient. Ensuite, la rage mêlée de déception rebondit. En effet, depuis 2019, Félix Tshisekedi a rompu le deal qui veut que le Commandant second de la 34ème Région militaire chargé des opérations et du renseignement soit Rwandophone issu des rébellions du RCD et Cie. De la sorte, la RDF pouvait se déguiser en FARDC et opérer librement sur le sol congolais. Tendez la main à Kigali, il veut prendre tout le bras.

Goulot d’étranglement de la RDC

Depuis James Kabarebe au sommet des FAC jusqu’à Bosco Ntaganda aux sommet des FARDC, il était difficile de prêter oreille aux voix qui dénonçaient la « rwandalisation des forces armées de la RDC ». Le M23 a adopté la même attitude. Ils sont tous des Congolais de Rutshuru qui réclament d’être reconnus et de gérer eux-mêmes cet espace, un test du fédéralisme. Certains congolais dont la naïveté n’a d’égale que le manque de discernement et de patriotisme y croient toujours. Accepter la mutualisation RDF-FARDC mettrait-il fin au phénomène Nkunda, Ntaganda et Makenga. Non. Si la RDF mutualise avec les FARDC au Nord-Kivu, le phénomène Makenga sera mis en jachère. Le Rwanda va ressusciter l’Accord cadre d’Addis-Abeba qui peut se résumer en deux points, à savoir les doléances légitimes qui accordent 5 ans de gestion-test de fédéralisme aux pro-Rwanda (CNDP et M23) et avantage les pays de la sous-région du point de vue sécuritaire car ils peuvent se pavaner au Congo. Ce qui touche à la souveraineté même de la RDC en tant que nation indépendante. Depuis l’État de siège, de moins en moins Kigali parle des FDRL. On peut conclure qu’ils ne constituent plus une réelle menace pour le Rwanda. Mais comme avec l’Ukraine, il faut toujours craindre le syndrome de Poutine.

Le processus électoral 2023 en danger

A tout moment, le Rwanda peut mettre fin au processus électoral en RDC. La tenue des élections de 2023 dépendra du bon vouloir du Rwanda et de l’Ouganda. Il leur suffit de déclencher des hostilités comme le Rwanda le fait aujourd’hui pour priver la RDC des moyens financiers et de mobilité pour accéder à l’ensemble du territoire national et organiser les élections. L’objectif du Rwanda, à travers ses supplétifs du M23 reste celui de prendre à nouveau Goma et de conquérir les territoires de Masisi et de Rutshuru jusqu’au pont Mabenga (entrée du parc vers la Rwindi). La RDC doit cesser de pleurnicher là où les voisins montrent des muscles et monter une politique de défense robuste, moderne et adaptée à la menace qui date d’une trentaine d’années. L’on doit interroger obligatoirement les dépenses militaires de la RDC depuis l’arrivée de Félix Tshisekedi au pouvoir. Augmentent-elles ou restent-elles statiques ? Comment sont-elles utilisées et dans quel objectif ? Répondent-elles à la volonté de reprendre le contrôle de l’est du pays des mains des groupes armés ? Comment expliquer le manque d’habilité de nos troupes lors des affrontements avec les groupes armés ?  La détermination, l’aguerrissement au combat, l’habileté dans l’emploi des moyens et des tactiques militaires des jihadistes comme du M23 continuent à endeuiller le pays. Que faut-il pour corriger tout ce qui se présente comme un manque ?  Est-ce un problème d’affectation substantielle de moyens financiers ou l’accroissement de ressources humaines et l’amélioration des capacités de réaction des FARDC manquent-ils ? Pourquoi la justice reste inopérante devant ce drame qui anéantit tout un peuple ? Il ne sert à rien de rappeler que la taille des armées est un facteur non négligeable de la puissance guerrière d’un pays tout comme le niveau technologique des équipements. Quelle est la taille de nos FARDC ? Quel genre d’équipements utilisent-elles pour dissuader les voisins ?

Nicaise Kibel’Bel Oka

Directeur du Centre d’Études et Recherches Géopolitiques de l’Est du Congo (C.E.R.G.E.C)

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