mardi, décembre 10, 2024
Société

Grands Lacs. Les évêques de l’ACEAC devant la détresse de tout un peuple à Goma. Et après ?

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(Goma. Vue des évêques de l’ACEAC avec les déplacés de guerre du camp Luchagala et lors de la célébration eucharistique).

Goma. Depuis vendredi 26 janvier 2023, Les évêques de l’Association des Conférences épiscopales de l’Afrique centrale, ACEAC, réunissant le Burundi, la RDC et le Rwanda séjournent dans la ville de Goma. Après avoir visité les déplacés et les réfugiés congolais à Kibuye (Rwanda), ils ont déclaré tout haut : « La violence a trop duré. Nous voulons la paix. Battons-nous pour le retour de la paix ».

Après la célébration eucharistique du dimanche 28 janvier 2024 au Carmel et l’homélie du cardinal Fridolin Ambongo dénonçant la passivité des autorités et appelant au dialogue dans l’espace Grands Lacs, peut-on espérer le retour de la paix ? D’emblée nombreuses personnes se sont dit un peu « déçues ». Elles n’attendaient pas ce genre d’homélie même si la mission de l’Église est de prêcher la paix « Heureux les artisans de la paix … ».

Pour de nombreuses personnes, l’homélie de tata cardinal Fridolin Ambongo ne cadrait pas avec les réalités de la guerre de l’est de la RDC, le drame des déplacés et réfugiés congolais qu’ils ont visités. Non plus avec les conflits interethniques qui déchirent la région.

Entre le Burundi et le Rwanda où l’on ne trouve que trois communautés ethniques (Hutu, Tutsi et Twa), les tensions sont vives. Entre la Tanzanie et le Rwanda, le torchon brûle. Entre la RDC et le Rwanda, la violence s’est faite homme.

Commencer par comprendre les causes et les raisons de toutes ces tensions aurait été une démarche évangélique rassurante conduisant à des remèdes, fussent-ils été dans la prière. Bien plus, le narratif épiscopal de chacun de trois pays est différent au regard des régimes en place et des réalités que chacun vit.

En RDC, par exemple, la CENCO a pris la posture de l’opposition « évangélico- démocratique » contre le Chef de l’État Félix-Antoine Tshisekedi. Elle ne s’en cache pas. Elle est libre de dire ce qu’elle pense sans être inquiétée. Pour preuve, elle n’a même pas daigné lui envoyer un message de félicitation pour sa réélection.

Au Rwanda, Paul Kagame ne veut pas sentir les évêques (et l’Église catholique) qu’il accuse d’avoir préparé et participé au génocide contre les Tutsi. Au Burundi comme au Rwanda, la parole évangélique est confisquée par le pouvoir. On vit sagement la prudence épiscopale.

Le pape François, Mgrs Kataliko et Munziriwa et les raisons de la guerre

Quel narratif pour le retour de la paix en RDC ? Deux réponses, l’une récente et l’autre lointaine mais toujours si proches, les deux toujours d’actualité.

Primo, en 2023 à Kinshasa, le pape François a éveillé la conscience du peuple de Dieu au Congo-Kinshasa : « Ne vous laissez pas vous voler votre espérance ».  Et le regard tourné vers les impérialistes, il dit la main sur le cœur : « Retirez vos mains de la République démocratique du Congo, retirez vos mains de l’Afrique ! Cessez d’étouffer l’Afrique : elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser ».

Secundo. Dans la lettre qu’il destine au président de la Conférence épiscopale des États-Unis, Mgr Anthony Michael Pilla, Mgr Emmanuel Kataliko se fait écho des cris de détresse de tout un peuple vivant dans une solitude lui imposée par les grandes puissances à travers ses trois voisins immédiats. Au nom d’un certain génocide que seul le peuple congolais doit porter le faix.

Tout un peuple affaibli, choqué, humilié et meurtri face aux envahisseurs rwandais et ougandais utilisant la ruse, le mensonge et le subterfuge, tous deux appuyés et soutenus par les États-Unis devant une communauté internationale fermant les yeux et ayant résolu de se taire.

Mgr Christophe Muzihirwa dénonce l’aide financière et militaire importante que les États-Unis apportent à Kigali : « C’est avec la logistique et du matériel américain que des soldats de l’Armée patriotique rwandaise(APR) ont attaqué, la nuit du 6 au 7 novembre 1995 les pauvres paysans Hutu habitant l’île d’Iwawa, située en territoire rwandais près de Goma (…) Comment juger cette aide des États-Unis employée pour le massacre des populations civiles innocentes ?

Comment justifier cette aide américaine à un régime politique qui pratique une gestion totalitaire du pouvoir en violation flagrante des accords d’Arusha ? »

A la suite de deux évêques rd-congolais de l’archidiocèse de Bukavu, morts dans des conditions tragiques, le pape François reconnaît que « La guerre qui vous décime est économique. L’humiliation, l’exclusion, la manipulation, l’instrumentalisation des communautés, l’angoisse du lendemain en sont le lot quotidien »

Voilà pour pourquoi l’homélie de tata cardinal Fridolin Ambongo n’a pas rencontré l’horizon d’attente des populations congolaises et des pays de la CEPGL.

Il faut que nos Pères de l’ACEAC réadaptent leur communication et mènent un lobbying qui va au-delà de Paul Kagame en y intéressant Vatican et les Conférences épiscopales des pays prédateurs et soutiens à Kigali.

Il y a lieu de rappeler que durant la présence des Pères de l’Église universelle dans les Grands lacs que la RDF a envoyé une pluie de bombes sur les populations de Sake et de Kirotshe.

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Mathias Ikem

 

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