jeudi, octobre 3, 2024
Société

RDC/Nord-Kivu. 31 juillet 2000-31juillet 2023. Léonard Kanyamuhanga, nous ne vous oublierons pas

11views

« Je sens que je vais bientôt vous quitter. Je n’ai qu’un seul regret : tous nos efforts de pacification de la province seront anéantis après moi. Cela m’arrache les larmes. J’y ai beaucoup réfléchi, et sincèrement, je ne vois pas qui pourrait vraiment ramener la paix dans cette province ». Ainsi parla Léonard Kanyamuhanga 3 jours avant sa mort. Ce jour-là, le Seigneur lui donna un peu de force et il alla au gouvernorat actuelle CENI provinciale. A ses collaborateurs les plus proches (4 au total), il leur parla, les larmes aux yeux et le cœur serré. Il prodigua quelques conseils au vice-gouverneur Innocent Shomwa et retourna à la résidence.

Léonard Kanyamuhanga Gafundi a quitté la terre des hommes un certain 31 juillet 200. Le regret exprimé trois jours avant sa mort reste toujours d’actualité.

La prophétie s’est faite réalité. Les territoires de Rutshuru et de Masisi sont sous occupation rwandaise. La province du Nord-Kivu n’est toujours pas pacifiée. On a beau construire des villas, des immeubles, des hôtels de luxe et des routes dans la ville de Goma, l’insécurité règne toujours en maître sur toute l’étendue de la province.

Léonard Kanyamuhanga n’avait de cesse de dire et de répéter à ses administrés que rien ne valait la paix, même pas le développement. Car, le développement sans paix n’est que du vernis sur les ongles. Voilà pourquoi, il sillonnait avec toute son équipe les territoires du Nord-Kivu prêchant un seul message, la paix avant toute chose : « Donnez-moi la paix et je vous donnerai le développement », résumé par la formule dénaturée et désacralisée à sa mort « Tous pour la Paix et le Développement, en signe TPD ».

Léonard Kanyamuhanga savait que la paix dans sa province, comme état d’esprit, dépendait d’abord de la participation de sa population dans le vivre ensemble mais également et surtout des pays voisins qui avaient déversé leurs populations en RDC. Contre la volonté de Paul Kagame et de la communauté internationale, il entreprit de retourner d’abord les réfugiés dans leurs pays d’origine. En 6 mois sans aide extérieure ni du HCR, il rapatria 60 mille Hutu au Rwanda. Ce qui lui valut la première tentative d’assassinat à travers une embuscade tendue à son convoi non loin de Kibumba. Il prit contact avec l’Ouganda, s’y rendit jusque dans le district de Rukungiri pour discuter paix et développement. Léonard Kanyamuhanga et toute sa formidable équipe s’installèrent à Kiwanja/Rutshuru pour impliquer la population dans la recherche de la paix et lui faire comprendre les bénéfices qui en découlent par l’acceptation de l’autre et la réhabilitation des routes de desserte agricole et d’intérêt national. Il n’y avait pas de MONUSCO parce que le gouverneur maîtrisait les rouages de la gestion sécuritaire de sa province. A sa mort, le Rwanda reprit en sens inverse de déverser  des Hutu rapatriés au Rwanda dans les forêts du Kivu. Le TPD devint une milice armée Hutu pour accueillir ceux des rwandais hier rapatriés par Kanyamuhanga et appuyer les rébellions rwandaises.

23 années depuis qu’il a rejoint le royaume de Dieu (parce qu’il était bon, loyal et serviable), la province du Nord-Kivu ne connaît pas de paix. Les jeunes rwandophones instrumentalisés par Kigali veulent créer leur État. Des tueries, des massacres ont repris dans la province non plus par des Interahamwe mais par des jeunes Tutsi et Hutu au service de Kigali. Les milices communautaires régentent la vie dans le Masisi, Walikale, Lubero, Rutshuru et Beni. Des ONG pullulent. Goma est asphyxié. Les axes routiers sont bloqués. Goma qui nourrissait le Rwanda vit aujourd’hui en totale dépendance des produits agricoles en provenance du Rwanda. La frontière congolo-ougandaise de Bunagana est sous occupation d’une force hybride ougando-rwandaise. La haine s’est accrue dans le cœur des gens. De plus en plus, on reparle tribalisme, séparation Grand nord et Sud, balkanisation. Aux côtés de Baraza wa Bazee, les milices communautaires ont accru leur degré de nuisance : M 23, Nyatura, APCLS, NDC, NDC-R, Mazembe, Uhuru, FAP, URDC, Raïa Mutomboki, Kifwafwa,..

Léonard Kanyamuhanga reviendrait à la vie comme Lazare, il aurait des larmes aux yeux.

Envieuse du luxe d’autrui, la Province s’est invitée confortablement dans une résidence privée abandonnant le gouvernorat qui lui appartenait. Toutes les résidences de l’État ont été spoliées par des personnes sans foi ni loi. Le seul bien dont dispose la province et qui fait encore sa fierté, c’est la résidence du Gouverneur qu’il a léguée à la postérité. On ne pourra plus admirer la beauté de l’édifice et saluer le gouverneur, dans ses moments de loisir, assis à la paillote au bord du lac. Les espaces au bord du lac ont été spoliés et la route qui passe devant la résidence du gouverneur interdite d’accès pour cause d’insécurité. Lui, le peuple le chérissait comme les prunelles de ses yeux.

Léonard Kanyamuhanga, gouverneur de la paix et de la modernité, homme jovial, ouvert, tolérant et ferme à la fois, respectueux des autres, travailleur infatigable, était à tous et pour tous.

Il ne croyait jamais au développement de sa province par les ONG. Voilà pourquoi il suscita joie et enthousiasme parmi les populations les plus démunies durant le bref moment passé à la tête de sa province (octobre 1996-juillet 2000) dont une année luttant contre la maladie. Voilà pourquoi nous l’avons aimé. Cher gouverneur Léonard Kanyamuhanga, nous ne vous oublierons jamais.

Nous vous donnons la vraie information et nous en payons le prix. Soutenez-nous. Votre contribution financière est attendue. Contact utile : +243 998 190 250 et/ou +243 824 244 844

Nicaise Kibel’Bel Oka.

 

Leave a Response