Sahel. Macron dans une stratégie de diviser les États africains face au terrorisme qui se métastase

(Bruxelles. Le président Macky Sall et les dirigeants de l’Union européenne. Photo tiers)

La sécurité et le surinvestissement européen dans la sécurité au Sahel, thème accrocheur du sommet de Bruxelles. Deux choses à retenir, le Mali accusé de tous les maux et la stratégie d’investissement (partenariat innové) pour le vaccin, cadeau pour ranger certains pays africains du bon côté. L’Afrique est la profondeur stratégique de la France, le socle de sa grandeur, le carburant de sa puissance, rappelait un panafricaniste. Il n’est pas question pour elle d’abandonner ce terrain. D’où la nécessité d’une présence amicale auprès des pays africains pour les aider, dans une sorte d’amitié rendue obligatoire. C‘est ce qui explique la présence de Macky Sall pour justifier le maintien de la présence militaire française « réclamée » par des États intéressés contre l’invasion russe dans ses plates-bandes. Pour épouser une femme répudiée, il faut prendre du temps d’observer.

Le Mali, une caricature de ce qui se passe en RDC.

De nombreux Maliens parlaient déjà d’une mise sous tutelle de leur pays lorsque la MINUSMA leur fut imposée en 2013 : « L’appareil gouvernemental et la population ont immédiatement fait part de leur mécontentement quant au grand nombre de soldats étrangers présents sur leur territoire. » Dans les rues de Bamako, la rumeur s’était propagée soupçonnant les casques bleus de se trouver du côté des rebelles touareg, voire d’être une arme secrète de la France afin de réaliser encore l’ancien objectif que Paris poursuivait dans les années 1950, la création d’un État du Sahara. La mission des Nations unies devrait-elle mieux faire de disparaître ? Des voix se sont élevées pour exiger : « La Minusma devrait se retirer plutôt aujourd’hui que demain. » Ibrahima Kébé, porte-parole du groupe « Faso Kanu » (« amour de la patrie ») accusait : « La France se sert des Nations unies pour couvrir ses intérêts néocoloniaux. La MINUSMA devrait être remplacée par un service volontaire national pour l’ensemble des jeunes Maliens et Maliennes, un « service patriotique » qui permette de placer de nouveau le pays, zone par zone, sous le contrôle de l’État. » Pendant des années, la France a fait la sourde oreille oubliant qu’une armée étrangère qui dépasse trois ans dans un pays, qu’on le veuille ou non, est considérée par la population comme une force d’occupation, sa présence n’est plus un gage de stabilité. On oublie aussi que la stabilité, vue des Africains, n’est pas un cadeau donné à l’Afrique sinon la RDC serait déjà le pays le plus stable de la planète avec 20 ans de présence des soldats de la paix sur son territoire. Joseph Kabila, l’ayant expérimenté à ses dépens, s’était attiré la foudre pour avoir exigé le retrait de la MONUSCO. En comparaison avec la RDC, Sy Kadiatou Sow, ancienne ministre des Affaires étrangères du Mali, pense que le budget annuel d’un milliard de dollars alloué à la MINUSMA devrait offrir de bien meilleures possibilités de consolider l’État malien : « Nous nous trouvons pratiquement dans une situation d’occupation qu’il convient de ne pas nommer ainsi. L’opinion publique malienne est opposée à une MINUSMA qui s’installe ici pour une éternité. Nous voyons bien ce qui s’est passé dans d’autres pays avec les missions. Le cas de la République démocratique du Congo nous inquiète beaucoup. »

Des leçons de désaveu non assimilées par l’Onu et la France

La France n’a pas tiré les leçons du passé. Elle traîne le boulet de son intervention en Algérie et au Rwanda. Comment peut-on croire que déplacer les troupes françaises du Mali pour le Niger, dans les mêmes circonstances de l’époque coloniale, soit la solution ? Les mêmes causes produiront au final les mêmes effets. Faire semblant de partir pour mieux rester grâce aux nouveaux liens de dépendance militaire fait partie des objectifs stratégiques. On ne peut pas bâtir la sécurité sur la méfiance. La France se retire du Mali avec son matériel militaire, armes lourdes et autres équipements d’intervention ne laissant rien à l’armée malienne. Les casques bleus de la MONUSCO feront autant en RDC si d’aventure ils décidaient de se retirer. En 1997, les troupes françaises venues pour une mission à dimension humanitaire au Bénin furent huées par la population lors du défilé final des manœuvres communes. Le Sénégal cohabite avec une (sa) rébellion qui s’éternise en Casamance. Macky Sall, oubliant la manœuvre « Gudimakha » de 1998, croit que le passage à une armée professionnelle plaide pour le maintien des troupes françaises en Afrique. Même sans appliquer la bonne gouvernance des États africains ? Applaudir Macron aveuglement sans une évaluation objective des interventions françaises en Afrique, c’est continuer de jouer au colonisé. Rester en Afrique sans une mutation de stratégie et de troupes, c’est ne pas tirer les leçons du Mali. Quelle lecture en fait la RDC ?

Sahel : verre à moitié vide ?

Pour Emmanuel Macron, parler de l’échec de l’armée française au Mali est un non-sens. Sur le terrain, le terrorisme islamiste se métastase. On observe de la part des jihadistes une certaine fluidité organisationnelle qui accompagne leur résilience. Cette fluidité concerne d’abord la structuration des groupes jihadistes qui constituent dans leur majorité des alliances formées autour de figures qui incarnent l’opposition armée à Bamako, à la France, au G5 Sahel et aux forces internationales encadrées par la MINUSMA. Au Mali comme en RDC, l’erreur aura été d’ériger le terrorisme islamiste en caractéristique principale de la déstabilisation du pays. Or, il ne peut à lui seul définir toute approche globale de la lutte contre l’insécurité. Poser la même question en termes de résultats à la MONUSCO, la réponse évasive claironne sur les antennes de la Radio Okapi : « Nous sommes là uniquement en appui aux FARDC. » Or, les mêmes FARDC se plaignent régulièrement du refus des casques bleus de les appuyer dans les frappes aériennes. La MONUSCO excelle dans des rapports de violation de droits de l’homme, nie même l’existence du terrorisme islamiste et, au finish, ne sait pas contre quel ennemi elle est déployée sur le sol congolais. Elle doit y rester pour accompagner les élections de 2023.

Les populations des pays plus engagés et patriotes boudent la présence des « missions » et exigent leur départ estimant qu’elle sert à rendre la vie plus cher qu’avant mariant insécurité et accumulation des richesses. Au Kivu, le Kinois qui y débarque est étonné de la vitalité économique face aux tueries (sorte de No Nkunda, no job). Au Mali, Ibrahima Touré, militant des droits de l’Homme à Gao, dresse le bilan suivant : « Environ 20 % de la population retirent un avantage économique de la MINUSMA pendant que les autres souffrent de ses effets secondaires, surtout les plus pauvres (…) Les habitations et les maisons sont devenues inaccessibles en raison des fonctionnaires locaux bien payés par la MINUSMA. Elle ne se presse pas actuellement pour terminer son travail. » Visitez le Nord-Kivu, vous lui donnerez raison.

Nicaise Kibel’Bel Oka

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