mardi, décembre 10, 2024
Défense & Sécurité

Kibel’Bel Oka :  » dans la crise du Congo, Museveni joue à son profit le mauvais rôle de sous-traitant des grandes puissances occidentales « 

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(Nicaise Kibel’Bel Oka, journaliste d’investigation et écrivain. Directeur du journal Les Coulisses. Photo archives).

Congoguardian : Le panel des experts onusiens vient de produire un rapport impliquant l’Ouganda comme un acteur majeur dans l’agression de la RDC à l’Est, une implication que plusieurs sources et observateurs avertis ont toujours dénoncé depuis plusieurs années. Quel commentaire cette révélation en ce moment précis vous inspire ?

Nicaise Kibel’Bel Oka : J’aurais pu dire que ce sont les larmes de crocodile. Un rapport impliquant l’Ouganda ? Il vient trop tard comme vous le mentionnez. Cette révélation m’inspire la colère face à ce qui ressemble à un piège tendu contre la RDC. Les experts ne parlent pas des véhicules et autres équipements que le contingent indien avait abandonnés à la RDF à la chute de la Rwindi. Nous sommes seuls face à un complot mondial.

CG. : Y a-t-il lieu de penser que c’est seulement maintenant que le Conseil de sécurité est informé de cette implication ougandaise ? En d’autres termes, doit-on croire que c’est maintenant que les Nations-Unies, avec tous ses moyens, découvrent ce rôle de l’Ouganda qu’elles auraient ignoré toutes ces années ?

N.K.O. : C’est ce qui énerve effectivement. L’Ouganda est sur le territoire congolais depuis les années 1990 accompagnant le Rwanda. Et ce, sur ordre des Anglo-saxons spécialement Washington et Londres. L’on peut comprendre que les Nations-unies jouent le jeu de l’autruche parce que c’est Washington, le plus grand contributeur des Nations-unies. Diriez-vous qu’à New York, on ne voit pas les déplacés de cette guerre imposée à notre pays ? Ne voient-ils pas des attaques contre la force de l’ONU ?

CG : Qu’est-ce que cette « révélation » est susceptible d’apporter dans cette situation, et dans quel sens éventuellement ?

N.K.O. : D’abord, c’est tout sauf une révélation. Elle n’apporte rien d’autant plus que ce sont les Américains et leurs acolytes qui commandent à New York. Rappelez-vous la déclaration de Mme Bintou reprise par le Secrétaire général de l’ONU selon laquelle « Le M23 possède des équipements (armements) militaires que ne possède pas la MONUSCO ». Et après ? Pourquoi ne sanctionne-t-on pas le Rwanda et l’Ouganda ? Pourquoi l’on tergiverse pour accorder le chapitre 7 à la SAMIDRC ?

CG. : Depuis la publication officielle de ce rapport, on n’a pas encore entendu une réaction officielle du gouvernement congolais, alors que depuis plus de quatre ans, les troupes ougandaises traquent les djihadistes MTM sur le sol congolais avec les FARDC. Quelle lecture faites-vous du silence qui anime actuellement le gouvernement dans cette imbroglio sécuritaire ?

N.K.O. : Je pense que c’est plus de la prudence dans une situation paradoxale et complexe. L’armée ougandaise est entée sur le sol congolais avec de l’armement lourd et y opère. La RDC ne peut pas avoir sur son dos deux voisins ennemis qui, une fois officiellement ensemble, mettraient en mal l’intégrité du territoire congolais. On compte plus sur des pressions diplomatiques sur le Rwanda et l’Ouganda.

CG. : Dans un de nos précédents entretiens, vous souteniez, au sujet de ce rôle de l’Ouganda, qu’il valait mieux, pour la RDC, d’avoir l’Ouganda à ses côtés plutôt qu’en face comme un front supplémentaire. Mais là il apparaît clairement que cela fait belle lurette que les armées ougandaise et rwandaise ont mutualisé depuis longtemps derrière le M-23. Votre analyse tient-elle toujours ?

N.K.O. : Effectivement. C’est la realpolitik. C’est l’Ouganda qui a aidé le FPR à prendre le pouvoir au Rwanda. Ensemble, ils ont envahi la RDC à travers l’AFDL. Le M23 a campé pendant près de 7 ans dans le camp de Bihangi en Ouganda avant d’être renvoyé au Congo sans que le HCR ne lève sa voix.

Kigali et Kampala exécutent un plan, celui de la balkanisation du Congo tel que voulu par Washington. Le jour où ils demanderont à ces deux sous-traitants d’arrêter, le tout s’arrêtera net. Ce rôle, les Américains, l’ont fait jouer à Mobutu en soutenant Jonas Savimbi (UNITA) contre le MPLA en Angola.

CG. : Selon vous, en tenant compte du sentiment profond des Congolais, surtout ceux désabusés de l’Est, que doit faire, à présent le gouvernement : rompre la traque conjointe avec l’Ouganda et faire renvoyer ses troupes ou continuer à les garder ?

N.K.O. : Il faut se mettre en évidence que la traque des terroristes est dans la durée à la manière d’une guerre d’usure. Une armée étrangère ne saurait remporter une victoire finale sur les islamistes ADF/MTM même si elle décide d’y rester des années durant. Le cas de l’armée américaine en Afghanistan doit nous interpeller.

Le gouvernement congolais doit trouver des moyens « propres » pour obtenir la fin de la mutualisation et continuer la coopération bilatérale (militaire) à travers le partage du renseignement. Quand ? Cela relève de la stratégie.

CG. : Globalement qu’est-ce qui, selon vous, doit se passer à présent et quelle ligne d’action, surtout diplomatique, devrait être celle de Kinshasa ?

N.K.O. : Une diplomatie agissante, active et intelligente pour tenter de ramener l’Ouganda en de bons sentiments. Une diplomatie qui rassure l’Ouganda que la RDC ne sera pas son ennemi et qu’il restera le bon et vrai voisin en dépit de tout. Une diplomatie économique pour cet Ouganda qui n’a pas des ressources à la hauteur de la RDC. Enfin, une diplomatie qui s’appuie sur les alliés et parrains de l’Ouganda comme la France qui a des intérêts économiques à travers Total Énergies dans ce pays.

Comme vous le savez, il faut inventer cette diplomatie hic et nunc. Le temps presse et la résilience des Congolais risque de céder au découragement.

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Congoguardian/ Les Coulisses

 

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