Gaza, RDC, Mali ou Comment les médias occidentaux travaillent l’information dans une guerre?

(Image poignante des bombardements de Gaza par l’armée israélienne. Photo tiers).

Gaza. Opérations ciblées de l’armée israélienne dans un hôpital. Gaza. Opérations précises dans une zone ciblée de l’hôpital amenée par des soldats spécialement formés pour cette situation. Une entrée dans un endroit particulier de l’hôpital. L’armée procède de manière ciblée.

Des titres de la presse occidentale justifiant l’attaque de l’hôpital Al-Chifa de Gaza, le plus grand complexe hospitalier où près de 2500 personnes (soignants, malades, blessés et réfugiés) s’étaient réfugiées.  L’hôpital comme le monde civilisé nous l’a enseigné à travers le Droit international humanitaire (DIH) est un endroit privilégié, inviolable notamment pour les civilisés, un site civil qu’on doit protéger. Or, dans la bande de Gaza, en toute violation du DIH, ces hôpitaux ont été privés même du carburant pouvant leur permettre de fonctionner afin de sauver ceux et celles qui peuvent être sauvés. En Occident, désormais on juge les États et les personnes selon la position qu’ils prennent en faveur ou contre Israël. Les bons et les méchants. Les dirigeants africains (excepté l’Afrique du Sud) ont peur de donner leur avis. Peur des foudres du monde civilisé.

Les médias occidentaux qui croient détenir le monopole de l’information présentent exactement la même image qui dessine le camp des bons et celui des mauvais. Heureusement que les images et vidéos balancées sur la toile et qu’eux-mêmes balancent à leur tour permettent même aux sans voix d’apprécier ce qui se passe dans la bande de Gaza. « Expliquer le crime par la vengeance, voire par la « compréhensible vengeance » est toutefois trompeur » comme le soulignent les confrères Serge Halimi et Dominique Vidal, auteurs du livre « L’opinion, ça se travaille. Les médias et les guerres justes du Kosovo à l’Afghanistan »

Monopole de l’information au service des puissants

L’information se construit comme un acte de transaction, reposant sur trois conditions : supposer l’ignorance de l’autre, transmettre un savoir, supposer l’utilisation par l’autre de ce savoir, écrit Jean-Baptiste Malenge dans son ouvrage « Philosophie africaine, philosophie de la communication ». A Gaza, grâce aux images balancées par les réseaux sociaux, l’ignorance supposée de l’Autre n’existe plus. L’Autre sait apprécier à sa manière. Et comme il sait apprécier et se faire une opinion, ceux qui croient détenir le monopole de l’information et le droit de savoir se retrouvent ignorants à leur tour. Jean-Baptiste Malenge ajoute « Le monopole de l’information est à l’avenant du monopole économique dans les relations internationales. Il s’agit de vendre et de faire des Africains des capteurs passifs des messages qui asphyxient leur créativité culturelle ». La boîte noire d’un journal, c’est les affaires.

A Gaza, ce sont les agences occidentales qui désignent pour nous les bons et les méchants et ce sont ces mêmes agences qui arrêtent la bonne ou mauvaise image. Laurent Joffrin rappelle « Comme beaucoup de tâche artisanale, le travail des journalistes se remarque surtout quand il est mal fait ». Je le constate aussi amèrement au Mali avec notre confrère Serge Daniel.

Israël et Gaza comme le Rwanda et l’est de la RDC

Il ne sera pas question de trancher entre Israël et le Hamas pour donner tort ou raison dans ce qui se passe au Proche-Orient. Devant les radios et télévisions occidentales qui envahissent les ondes africaines, ça serait un crime de lèse-majesté qui se solderait par La Haye ou le refus d’octroi de visa. Comme dans tous les conflits qui se passent à travers le monde y compris en Afrique, les médias du continent ne jouent que le rôle de simple marché pour les autres.

Toutes les informations sur l’occupation rwandaise de la partie orientale de la RDC sont distribuées par les stations occidentales. Elles ont tellement d’emprise sur notre conscience que même si le journaliste congolais a été témoin, on lui fait douter de ce qu’il a vu et vécu. Il doit subir.

Le cas du terrorisme islamiste des ADF/MTM en est une preuve. Les terroristes massacraient les populations dans Beni ville et territoire. Un journaliste congolais le dénonçait avec des preuves à l’appui. La population et les médias locaux attendaient toujours le quitus des médias occidentaux pour accepter ce qu’ils vivaient dans leur chair et dans leur âme. On cherchait des bourreaux ailleurs. Jusqu’au jour où les États-Unis ont confirmé sans citer nulle part Nicaise Kibel’Bel Oka.et le monde entier les a crus. Le système médiatique imposé à l’Afrique et au monde est bâti sur le point de vue des États-Unis. Florence Aubenas et Miguel Benasayag notent « La communication a fini par devenir l’idéologie dominante de cette ère post-moderne propre au néolibéralisme ». L’opinion, ça se travaille.

Géraldine Muhlmann revient dans son nouveau livre « Pour les faits » sur la notion des faits. Un reporter, c’est un corps qui regarde, touche et confronte les sensations. Comment peut-on raconter une guerre sans journalistes ? Dans l’invasion de la RDC, le Rwanda ne supporte pas qu’on voit ce qui se passe. Kigali a, à son service, des médias occidentaux comme Africa Intelligence, Jeune Afrique qui démontent les FARDC avec des articles sur les armes et les drones de l’armée congolaise. Jamais sur celles du Rwanda. Une certaine presse locale s’en fait l’écho oubliant que cela relève d’une part de la stratégie de défense de la RDC et d’autre part, de la destruction de l’Autre. La guerre médiatique n’étant que le prolongement de la guerre économique et sociale.

Beaucoup de stations occidentales (VOA, RFI, BBC) installent des relais dans les capitales et grandes villes africaines. A la place de la réciprocité, elles engagent des correspondants locaux à qui elles donnent une ligne de conduite souvent ne cadrant pas avec les faits. Ces derniers agissant parfois comme des cobayes et des drogués répètent dans un esprit d’aveuglement ce qu’on leur demande de dire même contre leurs propres pays et leurs dirigeants. Le minerai de sang, c’est eux qui le baptisent mais qui l’utilisent. RDC, capitale mondiale du viol, c’est toujours eux qui la proclament. La réciprocité n’est pas toujours envisageable même quand on fusille dans des écoles aux États-Unis et/ou en France.

Homme de terrain traînant une longue expérience sur le journalisme, auteur du livre cité, Jean-Baptiste Malenge l’a constaté : « L’espace hertzien européen est fermé aux Africains. Les radios occidentales pénètrent l’Afrique avec des programmes bien ciblés. Le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des États n’est pas respecté. Les radions internationales contournent les États, jouent un rôle de référence en matière d’’information, alimentent leur espace critique »

Ils distribuent des émetteurs de radio à ceux qui copient et (re) diffusent leurs programmes.

En RDC comme à Gaza, l’information spectacle pratiquée et présentée par l’Occident accentue la dépendance dont les médias africains sont tributaires. Devant des corps inertes, des crânes fracassés, enfants amputés et femmes éventrées, des corps dépiécés, des familles déplacées (plus 2 millions autour de la ville Goma) vivant dans des conditions insupportables, quelque deux ou trois reportages suffisent et, on oublie.

On vante l’esprit guerrier de la coalition RDF/M23, de ceux qui tuent sans regarder les nombreuses victimes. Les médias occidentaux annoncent avec joie que la ville de Goma est encerclée. Ce sont eux qui décident du degré d’humanité à accorder à telle catégorie et répartissent le droit à l’émotion, à la compassion internationale.

Quand on tue à l’est du Congo, on reproche à la RDC d’avoir accueilli et gardé dans ses forêts les génocidaires rwandais. Quand on envahit un hôpital à Gaza, on reproche aux Palestiniens d’avoir caché le Hamas. Les agences de presse font la loi et distribuent une certaine justice. Le rapport de force existe aussi dans la fabrication de l’information. Les valeurs morales partent du nord pour inonder le sud. Avec l’aide des gens du sud.

En conclusion

Les images de la guerre de Gaza (Proche-Orient) et celles du Nord-Kivu (RDC) balancées et commentées par les médias occidentaux posent la problématique de l’information. Citant Noam Chomsky, Michel Collon écrit « La presse des pays démocratiques semble libre, mais en réalité, elle constitue une machine de propagande beaucoup plus subtile et beaucoup plus efficace que celle des dictateurs » et de renchérir « En réalité, l’information n’est pas libre, elle est sélectionnée, et déformée à travers un ensemble de quatre filtres dont celui de l’idéologie dominante qui imprègne la psychologie des journalistes, qu’ils en seraient ou non conscients ».

Faute de factuel et de vrai reporter sur le terrain, les grands médias sont dans une virtualisation du monde avec des sondages là où le peuple réel a besoin de s’informer.

Comment ressentir une guerre face à une presse bavarde, une presse de commentaires ? Comment sortir de cette colonisation par les médias occidentaux interposés, une colonisation dont les instruments et les relais sont des journalistes, un néocolonialisme qui continue de nuire à nos pays singulièrement à la RDC ?  « Mieux que de l’Afrique dont on parle, il s’agit de saisir le visage et la voix propre de soi et d’autrui (…) en communiquant avec lui dans un statut référentiel et positif de personne », conseille Jean-Baptiste Malenge.

En cette période de guerre et d’élection, ce sont eux qui nous informent et qui donneront les résultats de l’élection présidentielle. A leur goût, mieux au goût des multinationales.

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Nicaise Kibel’Bel Oka

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