RDC. F. Tshisekedi proclamé Président. Analyse des discours de campagne des candidats face à l’horizon d’attente de la population

(Kinshasa. Stade des Martyrs. Le candidat N° 20 lance sa campagne avec à ses côtés son épouse. Photo tiers).

Pendant un mois, officiellement vingt-six candidats à la présidentielle se sont adressés aux populations congolaises pour solliciter leur suffrage. Mieux gagner leurs voix par des discours qui devaient correspondre à l’horizon d’attente desdites populations. Les candidats à la présidentielle devaient répondre à trois défis majeurs dont celui sécuritaire.

Un candidat qui se lance à la présidentielle doit se préparer, au mieux être préparé. Au-delà du look à soigner et à afficher (l’habit blanc pour la plupart dans un pays en deul), il doit travailler la langue de la campagne, travailler le discours dans sa grammaire (rhétorique), le niveau des sens (phonétique, phonologie, contexte) au point de rien oublier. Parce que tout dans un récit est fonctionnel, tout

jusqu’au petit détail. La campagne est comme un match de football. On connaît les acteurs, on connaît au début l’ambiance, on connaît le terrain et on sait que la victoire est dans les tout petits détails.

Quel discours les candidats ont-ils offert aux populations, au-delà des discours habituels comme mettre fin la souffrance du peuple, réduire la misère et la pauvreté, donner l’eau et l’électricité ?

L’insécurité et la guerre à l’est.

Moïse Katumbi a proposé 6 mois pour mettre fin à la guerre notamment dans la partie orientale du pays. Il a carrément botté en touche toute idée de citer le M23 et le Rwanda comme principaux agents de la déstabilisation du pays. Il est même allé plus loin en se moquant de l’arsenal militaire dont dispose l’armée congolaise. Pour nombreux, Katumbi est un joker de l’impérialisme. Il s’est illustré par une difficulté de communiquer mais aussi esseulé, il n’a pas su capitaliser toutes ses chances. Au lieu du terrain, il a fait le choix des réseaux sociaux.

Martin Fayulu, arrivé à l’étape de Goma, a donné la recette miracle pour mettre fin à la guerre. Pour lui, c’est Félix Tshisekedi qui est le responsable de l’insécurité parce qu’il est « ami » du président rwandais. Pour nombreux, Fayulu se retrouvait dans un bon rôle de comédien. Son discours est suranné, inadapté et impropre à la consommation du peuple.

Denis Mukwege a surpris tout le monde ; silence radio durant toute sa petite campagne au Rapport Mapping, son (ancien) cheval de bataille pour mettre fin à l’impunité. Il a simplement fait savoir qu’il solliciterait des Nations-unies une force d’imposition de la paix (genre Artémis) pour l’est de la RDC. Pour nombreux, Denis Mukwege aurait reçu l’injonction de ses parrains occidentaux de ne plus pointer le Rwanda ni faire allusion au Rapport Mapping. La désignation de Katumbi aurait été vécue comme une trahison. C’est en homme qui a perdu confiance en soi que Mukwege a battu campagne.

Félix Tshisekedi a été le seul de tous les candidats à prendre au sérieux les préparatifs de la campagne. Le seul à pointer du doigt le Rwanda dans un discours virulent et musclé contre Paul Kagame. Sur ce point, il a été le seul à répondre aux horizons d’attente de la population congolaise notamment de l’est.

Il a monté autour de lui une constellation des stars/dinosaures politiques ayant pignon sur rue dans leurs fiefs naturels respectifs. Il a su jouer dans certains milieux en faisant directement intervenir les fils du milieu (Butembo avec Julien Paluku, Gemena avec Jean-Pierre Bemba) et d’autres qui jouaient le rôle de relai comme Patrick Muyaya. Mais aussi capitaliser la présence bienveillante de la première dame, Denise Nyakeru.

Certains candidats ont totalement raté leur communication dès leur première sortie. Les opposants ont mal communiqué en faisant de Tshisekedi leur cible là où la population pointe la mauvaise foi de la communauté internationale donnant l’impression qu’elle ne voulait pas des élections et au regard du matraquage médiatique de certaines chaînes étrangères.

Mettre fin à la pauvreté et à la misère.

Le discours des opposants consistant à faire croire aux électeurs qu’une fois au pouvoir, ils mettraient fin à la pauvreté et à la misère ne pouvait pas avoir de l’ancrage populaire. C’est un plat répété revenant à toutes les campagnes. Il fait partie de rêves irréalisables. Aujourd’hui, avec l’évolution de la technologie, l’on sait que même en Europe, aux États-Unis, il y a des pauvres, des sans domicile fixe (SDF) comme on trouve des shégués à Kinshasa, des maybobo à Goma. La pauvreté accompagne une catégorie de la population jusqu’au cimetière.

Comment peut-on mettre fin à la pauvreté là où la guerre produit des déplacés et des enfants de la rue ? La population sait bien qu’on ne juge jamais un candidat une fois élu par ses promesses de campagne. Bien plus, l’entendement de la notion de la pauvreté n’est pas le même d’un lieu à un autre. Le Seigneur lui-même enseigne « Heureux les pauvres car ils seront appelés fils de Dieu »

Construire des routes et donner de l’eau et de l’électricité à tous.

Cette recette comme élément de victoire d’une campagne ne passe pas. Depuis Mobutu, l’on a vanté et dansé autour du barrage d’Inga sans que l’électricité n’arrive dans des villages. Bien plus, l’on connaît la réaction des Occidentaux contre le Contrat chinois sous Joseph Kabila. L’électricité, c’est pour les grandes villes et les citadins. Comment donner de l’électricité là où il n’y a pas d’eau ni des routes ? La population sait qu’en cinq années, il est difficile de lui donner ce qu’on lui avait promis durant 18 années (cinq chantiers) : construire des routes de desserte agricole jusque dans leurs villages. Relier toutes les villes du pays de l’est à l’ouest, du nord au sud. Si les grandes villes n’ont pas de routes en bon état, comment peut-on croire que l’arrière-pays va mordre à ce discours ?

Encore une fois, les quelques réalisations de Félix Tshisekedi (infrastructures hospitalières, sportives avec les 9èmes jeux de la Francophonie, éducationnelles, les programme de 145 territoires ont fait penser à la population qu’il est de bonne foi. Et donc, il peut davantage faire mieux.

L’on peut conclure que l’horizon d’attente de la population n’a pas été atteint. Entre le candidat à la présidentielle qui dit « Votez pour moi pour consolider les acquis » et ceux qui vendent des rêves, le choix était clair : 73, 74 % des voix. La population avait besoin d’entendre un discours réaliste sur la fin de la guerre, sur l’éducation et la santé, des priorités pour son existence. L’eau de la source, si on y accède sans crainte d’être violée, est de loin potable que celle du robinet. Réclamer (on ne sait à qui) l’annulation des élections pour de nouvelles, c’est rêver. Or, rêver est permis aux vaincus et se souvenir aux solitaires. Entre celui qui est reconnu « de père et de mère » et qui jure : Ne jamais trahir le Congo et ceux qui refusent de nommer l’agresseur, le choix était clair.

Dans un pays où l’on vote ethnie et communauté, malheur à ceux des candidats qui n’ont pas eu d’ethnie connue et sur qui on a collé, à tort ou à raison, le plan de la balkanisation.

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La Rédaction du journal Les Coulisses

 

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