lundi, octobre 14, 2024
Défense & Sécurité

RDC. Les « doléances légitimes » du M23. Véritable projet de balkanisation porté par Kigali et Kampala

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A Kampala dans la banlieue de Munyonyo en 2012, le représentant du M 23 François Rucogoza a rappelé les vrais problèmes qui poussent les Rwandophones à prendre les armes et à solliciter le soutien de Kigali et Kampala : « Les causes profondes des conflits qui nous lient à vous ne sont jamais traitées. Parce que le gouvernement a toujours cherché à nous éradiquer définitivement de la carte de la RDC. On doit cesser d’accuser les populations rwandophones d’être des Rwandais. » Faut-il recourir aux armes et au soutien de Kagame et Museveni pour réclamer ce qu’on considère comme ses droits ? Lors de l’opération de mixage en 2009, le CNDP avait déversé officiellement 4500 éléments dans les FARDC et la police nationale tout en maintenant l’administration et le commandement parallèles dans les territoires de Rutshuru et Masisi. Nous reprenons les articles 5, 6, 7, 9, 12 et 23 des doléances légitimes du M 23 présentées au gouvernement congolais en 2012 avec un commentaire.

Article 5. Du fait des guerres récurrentes ayant entraîné la destruction des infrastructures, du tissu socio-économique, la fracture de la cohésion sociale et l’absence de toute perspective de développement ; à la suite du déficit d’une paix durable et de la sécurité durant les dernières décennies dans l’Est de la RDC (Nord-Kivu, Sud-Kivu, Ituri, Haut-Uélé, Maniema et Tanganyika) comme étant une « zone sinistrée ». A ce titre, la zone déclarée sinistrée devra jouir de :

d’un statut administratif particulier,

d’un plan de développement spécial,

d’une large autonomie fiscale et financière,

d’un programme spécifique de sécurisation pour la concrétisation des différents accords régionaux.

Article 6. Les parties conviennent que la réalisation des points d’accords relatifs à la réconciliation, à la cohabitation pacifique, au retour des réfugiés et des déplacés internes dans la « zone sinistrée » se fera conjointement et selon un calendrier établi par les parties engagées du présent Accord.

Article 7. Afin de faciliter l’intégration des cadres politiques du M 23 et ceux considérés comme tels, le Gouvernement de la RDC s’engage à les faire participer à la gestion des institutions nationales par le biais de :

Gouvernement central,

  • Diplomatie- chancellerie,

Entreprises publiques,

Gouvernements provinciaux

État-Major Général,

Etc.

Article 9. En vue de faciliter la réconciliation nationale, le Gouvernement de la RDC s’engage à promulguer une loi d’amnistie pour faits de guerre et faits insurrectionnels couvrant la période allant du 07 mai 2009 jusqu’à la fin de la mise en œuvre de l’Accord et ce, conformément au droit international

Article 12. Conformément à l’esprit de l’accord-cadre d’Addis-Abeba, le M 23 s’engage à mener des opérations conjointes avec le gouvernement de la RDC, afin de participer aux opérations de pacification et de stabilisation de la partie Est. Pour pacifier durablement la partie Est de la république et participer efficacement à la stabilisation de la région des Grands Lacs, ces opérations devraient se dérouler sur une durée de cinq ans renouvelables et auront pour objectifs :

l’éradication définitive de toutes les forces négatives étrangères opérant à partir du territoire congolais (LRA, ADF-NALU, FNL, FDLR…) ;

le rapatriement dans leurs pays d’origine de tous les prisonniers capturés au cours desdites opérations ;

de ce fait, il y aura la composition et l’articulation des forces conjointes (FARDC-ARC) pour mener à bien lesdites opérations et parvenir, dans un délai raisonnable aux résultats attendus.

Article 23. Dès lors que la partie Est de la RDC sera sécurisée, débarrassée de toutes les forces négatives étrangères et de tous les groupes armés nationaux et que, les déplacés internes et les réfugiés seront retournés, réinstallés et réinsérés dans leurs lieux d’origine, le M 23 s’engage à :

déposer définitivement les armes ;

démobiliser les membres de l’ARC qui ne souhaiteront pas intégrer les FARDC ;

ne jamais recourir aux armes pour faire entendre les revendications de la population congolaise

On retiendra les mêmes préoccupations traduites par les mêmes mots comme : populations déplacées, réfugiés congolais, réformes de l’armée, loi d’amnistie, reconnaissance des grades, intégration au sein des FARDC, participation à la gestion des institutions publiques… Au regard des doléances légitimes telles qu’exprimées ci-dessus, peut-on conclure à la balkanisation de la RDC ou à l’essaimage des populations d’expression kinyarwanda venues des pays voisins (Tanzanie et Rwanda) sans être accusé d’engager un procès d’intention ou d’incitation à a haine ? Lorsqu’une partie de la population de la république exige du gouvernement central une gestion autonome d’une partie du pays durant cinq années renouvelables, l’Est, ne s’agit-il pas des tentatives de balkanisation, d’autonomie et ou de découpage forcé ?

La composition des insurgés d’expression kinyarwanda contre la RDC ne trompe pas. Et ce, depuis la rébellion de l’AFDL. Les insurgés sont des « enfants » de l’armée rwandaise par l’idéologie et le mode d’emploi au front. Ils se comportent plus en Rwandais sur le sol congolais qu’en Congolais même si, parmi eux, on trouve des Congolais. Ils ont un certain mépris des FARDC. Dans la majorité, ils sont Hutu et Tutsi à qui on ajoute des enfants égarés de certaines communautés ethniques pour donner cette impression d’une guerre civile et cacher les agressions répétées de Kigali et Kampala. La plupart de mutins insurgés ont fait l’objet de nombreuses sanctions au niveau national comme au niveau de la communauté internationale. Quinze officiers supérieurs radiés des FARDC par le gouvernement de la RDC en date du 6 juillet 2012. Le laxisme apparenté à la dépendance à Kigali des autorités congolaises fait dire à de nombreuses personnes que la RDC subit le fait accompli par sa faute. Ce qui ne les empêche pas d’accuser les autorités congolaises d’être au service de Kigali pour balkaniser le pays. Les choses doivent changer si le Congolais tient à ce que la RDC garde l’intégrité de son territoire dans les limites de 1960.

Nicaise Kibel’Bel Oka, « Balkanisation de la RDC ? Mythes et réalités », Éditions Scribe/Bruxelles, 2020, 280 pages

 

 

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