RDC/Bunagana. Hier et aujourd’hui. Que faire pour ne pas laisser le Rwanda inonder les localités occupées ?

Nous reprenons ici l’entretien que nous avons accordé à nos confrères de Congoguardian pour le bonheur de nos nombreux lecteurs sur l’an 1 de l’occupation de Bunagana par la coalition Rwanda-Ouganda.

Congoguardian : Monsieur Nicaise Kibel’Bel Oka, journaliste et spécialiste des questions de défense et sécurité, comment analysez-vous la chute de Bunagana une année ?

Nicaise Kibel’Bel Oka : Voilà en bref. Quand la RDF lance des opérations contre les FARDC sur les deux collines de Chanzu et Runyonyi dans le Rutshuru, elle subit d’énormes pertes en vies humaines et en matériel de guerre. Ce qui le pousse à recentrer les troupes tout en sachant que dans le face-à-face, la RDF avait moins de chance de gagner le front Chanzu. Les FARDC vont concentrer toute l’attention et le peu d’effectifs dont elles disposent sur Chanzu et Runyonyi. La RDF sollicite l’UPDF. Dans la deuxième phase de combats, les FARDC se retrouvent en position d’infériorité numérique sur l’ennemi lorsque la RDF et l’UPDF coalisent et appuient les éléments du M 23. La force coalisée réussit à couper la route au niveau de Tchengerero (Premidis).

Le 9 juin 2022, l’information sur la coalition RDF-UPDF circule. Malheureusement, le commandement FARDC fait confiance à la mutualisation d’autant plus que l’UPDF annonce le lancement des travaux de construction de la route Bunagana- Rutshuru-Goma. Aussitôt que les trois forces sont en intelligence (RDF-UPDF-M 23), le terrain ougandais devient inaccessible aux FARDC. Le 12 juin 2022, l’ennemi lance l’attaque de Bunagana sous forme d’encerclement des FARDC. L’UPDF attaque par Kibuye et la RDF attaque par Bugesa la position des FARDC qui campait à la société Premidis et réussit à couper la route. Ce qui rend toute manœuvre défavorable aux FARDC. Bunagana tombe finnalement le 13 juin 2022.

Cg. : Selon vous, peut-on parler du manque de coordination au front de la part des FARDC comme d’aucuns l’ont signalé ?

N.K.O. :  Selon toute vraisemblance, on notait deux tendances dans le commandement des opérations FARDC. Les Pro général Yav Philémon, commandant 3ème Zone de défense et les pro général Peter Chirirmwami, commandant secteur Sukola II. Au front, les soldats accusaient leurs commandants de ne pas comprendre les ordres opérationnels. Relève du gouverneur militaire suivie d’une série de mort par empoisonnement au niveau de l’état-major 34ème Région militaire. Tout cet imbroglio ne peut que profiter à l’ennemi.

Les stratèges de la RDF et de l’UPDF ont utilisé l’opération de déception. Proximité avec le front, rapidité dans le ravitaillement et le renfort en unité opérationnelle, la RDF lance souvent ses attaques de nuit pour permettre à ses unités spéciales d’opérer sous le label du M 23. De ce fait, pour prendre Bunangana, l’ennemi (qui n’est pas l’UPDF) s’allie au voisin ougandais et bénéficie de son soutien. Une fois que les deux frères jumeaux se sont accordés, les troupes de la RDF sont alors entrées par la frontière de Kibaya habitée par une population qui leur est culturellement favorable. De Kibaya, les troupes vont se positionner jusqu’à Masoro. Profitant de ce vide et de l’inattention des FARDC, la RDF lance une attaque aussi rapide que foudroyante qui va faire perdre Bunagana aux FARDC avec le consentement de l’UPDF. L’opération de déception a consisté à distraire les FARDC sur le front Chanzu où elles ont eu à concentrer toute leur attention laissant à l’ennemi le temps de se déployer sur Kibaya et Masoro.

Cg. : Une année après, que peut-on retenir de cette débâcle pour les FARDC ?

N.K.O. : La prise de Bunagana et l’occupation d’autres localités doit être comprise dans une lecture générale de la stratégie de l’ennemi. Au 1er niveau, il faut amener la RDC à négocier avec les rebelles du M 23. Parce qu’en réalité, leur prise en charge pèse très lourd pour le Rwanda et certaines puissances en Occident qui les financent. Ce qui explique les menaces de prendre Goma pour pousser Kinshasa à les intégrer dans les institutions de la RDC. Au 2ème niveau, on ne doit pas oublier qu’il existe un plan de l’autodétermination des populations d’expression kinyarwanda. C’est un peu le sens de la déclaration du président Kagame sur les terres du Kivu. Le fait de laisser l’ennemi seul le plus longtemps possible sur cette partie poussera la communauté internationale à la leur octroyer. Il ne faut pas accepter cette notion de « zone tampon » qu’on veut imposer à la RDC. L’attitude du président Macky Sall à la tête de l’Union africaine comme le jeu sordide des pays de la Force régionale sont des signes qui ne trompent pas. A sa création, l’OUA ne comptait qu’une trentaine des pays et qu’à ce jour, elle en compte 54. Cette histoire de l’intangibilité des frontières est un leurre. Le Soudan, l’Éthiopie et la RDC sont dans le viseur des puissances occidentales. La RDC est menacée d’être amputée de sa partie swahilophone. Avec la perspective de l’élection présidentielle, tout peut arriver. Certaines forces obscures se battent dans ce sens. Bref, la débâcle des FARDC répond à beaucoup de facteurs internes et extérieurs. À l’intérieur, il y a des personnes insoupçonnées et insoupçonnables qui jouent avec le feu. Au service de l’ennemi

Cg. :  Est-ce qu’il est encore possible de récupérer la partie du Nord-Kivu sous occupation du Rwanda ?

N.K.O. : Effectivement bien que la tâche n’est pas facile. D’abord, demandons-nous si les originaires de cet espace le veulent. Ça peut énerver mais je suis sérieux. Si nous ne récupérons pas cet espace qui  est nôtre, le Rwanda va y déverser des populations pour réclamer l’autodétermination. La guerre, ce n’est pas seulement l’armée. C’est tout le monde. Or, voyez-vous comment des Congolais diabolisent leur service d’intelligence, s’attaquent à la justice et autres. Voyez comment les « opposants » et l’Église se jettent sur les institutions oubliant l’essentiel qui est l’occupation d’une partie de la RDC. Nous sommes dans un pays occupé, faisant face à des complots multiformes. Comme les populations civiles sont dans des camps des déplacés, il faut une offensive généralisée. Pour récupérer Bunagana et autres localités, il faut utiliser l’infanterie et l’aviation. Le M 23 n’a pas d’avions et donc s’il y a un avion qui survole la RDC, on sait d’où elle viendrait. L’aviation donne aux opérations une profondeur nouvelle en supprimant les sanctuaires de l’ennemi. Il est temps de lancer l’offensive sur l’ennemi afin de récupérer toutes les localités qu’il occupe.

Cg. :  Quelle est la place des forces étrangères notamment celle de la SADC dans la conquête de Bunagana ?

N.K.O. : De mon point de vue, il ne faut pas compter sur ces forces-là. On a beau parler du mandat robuste du Chapitre 7 des Nations-Unies sans résultat palpable sur terrain. Toute force qui ne vient pas pour appuyer le gouvernement congolais et les FARDC dans la lutte pour le respect de sa souveraineté et de l’intégrité de son territoire n’est pas la bienvenue au Congo. Avez-vous déjà entendu notre voisin de frère, le Congo Brazzaville, condamner l’agression de la RDC ? La RDC est seule et doit se battre seule. Donnons à nos FDS les moyens qu’il faut pour bouter l’ennemi et faire échec au projet de balkanisation de la RDC. C’est une question de vie ou de mort pour la patrie.

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Le Guardian/Les Coulisses

 

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