« En Mauritanie, que la démocratie avance ou recule, on s’en moque complètement. On n’est pas dedans. » Cette phrase d’Habib Ould Mahfoudh illustre bien la difficulté d’appliquer la démocratie telle que voulue par les Occidentaux en Afrique. La relation postcoloniale est un rapport de promiscuité, selon Achille Mbembe, une tension conviviable entre le commandement et ses cibles. Entre l’Occident qui dicte tout entraînant derrière et avec lui certains hommes politiques africains et les populations. D’où la « zombification » mutuelle des dominants et de ceux qu’ils sont supposés dominer comme le souligne Achille Mbembe. On le vit avec des mesures d’ajustement structurel du FMI qui refuse aux gouvernements africains de subventionner une partie du prix du pétrole à la pompe ou recommande de réduire sensiblement les charges sociales (salaires) de la Fonction publique. Conséquence : Indiscipline et insubordination vu de l’Occident et de ses vassaux africains et libération pour les autres. Retour des coups d’État militaires contre des coups d’État constitutionnels. Condamnation des uns et acceptation des autres. La menace de la CEDEAO, on peut se voiler la face, n’est qu’une action commanditée de l’extérieur de l’Afrique. A la différence de la Libye, cette fois-ci, la charge de créer du désordre a été confiée aux Africains. La CEDEAO est passée par des menaces avant de reculer désemparée et de les reprendre avec l’annonce d’une force en attente déployée. Les putschistes de l’Afrique de l’ouest francophone sont déterminés à en découdre avec la France à travers la CEDEAO.
Entre libérer un président pour sauver la démocratie et tuer des populations
Choix cornélien que doit faire la CEDEAO. Soit elle recule et accepte le fait accompli pour faire avec la junte militaire, soit blessée en son amour propre, elle fonce les yeux fermés sur la population nigérienne pour rétablir la démocratie. Le bon sens aurait commandé de prendre du recul (repli stratégique) avant de s’engager à nouveau dans un dialogue avec les militaires. L’option d’une offensive armée, fut-elle chirurgicale, semble d’avance vouée à l’échec. Pire, elle ferait beaucoup de victimes même si on ne fait pas d’omelettes sans casser les œufs. Bien plus, rien n’indique que les forces de la CEDEAO sortiraient avec un Mazoum vivant. Auquel cas, ça aura été de la pire perte en hommes, en énergie et du gaspillage inutile. Tant la topographie du Niger n’est pas aussi simple à dompter. Le Nigéria sur qui l’on compte pour l’offensive est lui-même un État à problème.
La division entre l’Exécutif et le Sénat n’est pas sans rappeler la guerre du Biafra que dirigea le général Ojukwo dans les années 1967 avec le soutien de la France et de ses services secrets. Deux ponts aériens furent installés par Elf. L’un à partir de Libreville, l’autre d’Abidjan, les deux ponts aboutissaient à Enugu, la capitale du Biafra. Dans cette guerre-là, Ojukwo aurait été armé par Elf et son rival Gowon par Londres et Shell. A la fin, la France perdit le Nigéria. L’Algérie, l’un des pays les plus influents de l’Afrique, a déjà donné sa position de refus. La Mauritanie n’approuve pas l’invasion du Niger. Problème. Il est vraisemblablement plus difficile de passer de la guerre à la paix que l’inverse. Avec cette éventualité que les affrontements se répandant dans certains pays limitrophes.
De de Gaulle à Kagame, les militaires peuvent aussi …
La prétention de soumettre les peuples d’Afrique aux lois des Occidentaux provoque et suscite la haine se traduisant par la manifestation insupportable de l’arrogance, viol de l’identité et autres blessures jamais cicatrisées. Nicolas Sarkozy résumait à sa manière le drame de l’Afrique : Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas entré dans l’histoire (…) Et pour y entrer, c’est simple. Il suffit de se soumettre à l’Occident. Jeunes d’Afrique, vous êtes les héritiers de tout ce que l’Occident a déposé dans le cœur et dans l’âme de l’Afrique. »
A cette invitation humiliante, les militaires des pays francophones répondent par des coups d’état (militaire) pour dire que l’Afrique n’est pas un Sisyphe épuisé, ruiné, privé d’avenir. Les militaires en Afrique prennent pour exemple le héros français : le général de Gaulle. Il y a aussi Paul Kagame chouchouté par l’Occident. Comme quoi les militaires peuvent aussi mieux diriger des États comme des civils. Si demain, il y a invasion du Niger, la France peut croire qu’elle perdra à jamais son influence sur l’Afrique. Car, ni le Rwanda de Kagame moins encore le Congo de Sassou ne saurait constituer ses nouvelles plates-bandes.
Sartre n’avait-il pas raison de dire : « Pour aimer les hommes, il faut détester fortement ce qui les opprime » ? La guerre est un crime. Et comme tout crime, elle est à condamner.
Nous vous donnons la vraie information et nous en payons le prix. Soutenez-nous. Votre contribution financière est attendue. Contact utile : +243 998 190 250 et/ou +243 824 244 844
Nicaise Kibel’Bel Oka