RDC. Tshala Muana : » La musique m’a tout donné et m’a fait connaître au monde »

Kampala 2009. Tshala Muana invitée pour agrémenter la soirée de la présentation des lettres de créance de l’ambassadeur Jean-Charles Okoto auprès du gouvernement ougandais. Elle a accepté l’interview pour le compte du journal Les Coulisses. Cette interview se déroule en présence de Willy Mishiki. La Rédaction du journal Les Coulisses lui rend à sa manière les derniers hommages. 

Les Coulisses :  Tshama Muana, artiste musicienne. Comment vous est venue l’idée de faire de la musique ? A quand remontent vos débuts ?

Tshala Muana : J’ai commencé la musique par la danse dans le groupe de Mpongo Love en 1977. J’étais danseuse chez elle. Après je l’ai quittée. J’ai essayé dans la chanson mais j’ai échoué. J’ai intégré le groupe d’Abeti Masikini toujours comme danseuse. Ce fut un passage rapide. Le cœur m’en disait de faire comme les autres, c’est-à-dire de chanter aussi. Je suis partie.

L.C. : Vous rêviez de devenir chanteuse sans producteur. Etait-ce facile ?

T.M. : C’était un rêve fou et difficile à réaliser. Je me suis pavanée partout à la recherche d’un producteur. Sans résultat. Les gens ne s’intéressaient vraiment pas à moi, à ce que je proposais. Mais, de nature tenace je rêvais toujours de faire quelque chose selon mon image. J’ai alors décidé de faire l’Afrique de l’Ouest, précisément la Côte d’Ivoire.

L.C. : Pourquoi avoir choisi la Côte d’Ivoire ?

T.M. : Là-bas en Côte d’Ivoire, il trouvait des musiciens congolais qui sont partis de Kinshasa comme Sam Mangwana, Nyboma Canta. Je rêvais toujours de faire comme Mpongo Love ou Abeti sans me rendre compte qu’il n’y a pas de production musicale sans manager, sans soutien ni encadreur.

L.C. : Comment s’est passé votre séjour en Côte d’Ivoire ?

T.M. : Les producteurs me repoussaient car ils n’avaient jamais entendu parler de moi. Je n’étais ni Abeti moins encore Mpongo Love. J’ai commencé à jouer en levée de rideau pour juste une chanson. Cette occasion m’offerte, je devais la saisir. Je ne devais pas gaspiller cette occasion en or. Pour cette unique chanson, je devais tout concentrer sur moi : spectacle complet de danse, geste chorégraphique et ma voix. Pour beaucoup de mélomanes, c’était du jamais vu. On découvrait en moi les talents d’une chanteuse complète. Et petit à petit, cela me fit gagner la confiance des gens.

L.C. : Dans quelles conditions avez-vous produit votre premier tube ?

T.M. : Voici comment cela s’est passé. Le producteur me demande : « Tu veux que je te produise ? Je voyage pour Paris avec mon artiste. Si tu tiens, paie ton billet d’avion, je me chargerai de ton visa. Sur place, je te donne juste une chanson. Tu profiteras de son studio ». Je n’avais pas de choix. Il fallait saisir cette occasion.

L.C. : Et comment vous avez fait ?

T.M. : OOhhh, je suis allée m’endetter pour le billet d’avion. J’ai supporté toutes ces conditions inacceptables, glacée. A la sortie de mon album, ma première chanson, la chanson « Amina » va conquérir le cœur de nombreux mélomanes. Elle fredonne avec nostalgie : « Amina … serre-moi la main, tu m’as mis en ballotage … » La chanson va récolter un succès fou auprès de femmes. Et j’étais partie pour de bon, pour une longue carrière dont j’ai fêté les 30 ans.

L.C. : Après ce succès en Afrique de l’Ouest, vous retournez à Kinshasa ?

T.M. : Deux ans après, j’ai quitté Abidjan pour m’installer à Paris. J’y suis restée pendant 20 ans. A l’entrée de l’AFDL, sui rentrée à Kinshasa. Et depuis, je suis installée au pays.

L.C. : Vous êtes plus connue sous le pseudo de la « Reine de Mutwashi » avant de devenir la « Mamu nationale ». Pourquoi avoir choisi le tshiluba au détriment du lingala ?

T.M. : Les Ouest africains m’avaient déconseillée de chanter en lingala. En essayant en tshiluba, et comme « naza moto moto » traduisez « je suis chaude », pour eux mon tempérament chaud faisait bon ménage avec le tshiluba. Je n’allais pas bien vibrer avec le lingala. De temps en temps, je cumule avec le lingala. C’est la volonté de mes fans et mélomanes qui est à la base de ce choix. Quand j’annonce les couleurs avec le mutwashi, pagne noué aux hanches, j’enflamme les cœurs. Hommes et femmes, jeunes et vieux, s’enivrent, m’imitent avec des pagnes noués aux hanches et entrent en extase. Il y a aussi des chansons en lingala comme « Baninga nasi nabali » qui ont cartonné.

L.C. : Votre carrière est du genre « effo perso – effort personnel ». Votre détermination serait-elle à la base de votre réussite ?

T.M. : Je remercie le bon Dieu. Vous savez que moi, je n’ai pas beaucoup étudié mais c’est grâce à la musique que je suis ce que je suis. La musique m’a élevée. La musique m’a fait connaître des gens. Je ne vis pas en malheureuse. Et si ce n’était pas cela, je ne sais ce que je serais devenue. Voilà pourquoi je rends grâce à Dieu. Je viens d’une famille très modeste et j’ai eu la chance d’élever toute ma famille.

L.C. : Dans vos chansons, on sent la structure et le tempo. Comment et quand les composez-vous ?

T.M. : Disons que je suis beaucoup plus interprète. Aujourd’hui, j’arrive quand même à composer quelques chansons mais je laisse une grande place aux compositeurs. Pour les chansons en tshiluba, comme j’ai grandi au Kasaï, je récupère le folklore et crée du nouveau. En évitant toutefois éviter la monotonie.

L.C. : « Mamu nationale », d’où vous vient ce nom ?

T.M. : Tu n’en veux pas ? Ce nom m’a été donné par les Yankee de Kinshasa. Ça me plait et flatte beaucoup et je l’ai adopté. Et je me suis dit : « à partir de ce moment, mon groupe s’appellera aussi « Mamu nationale ».

L.C. : Vous chantez la libération, le pouvoir, les 5 chantiers. Peut-on conclure que la Mamu nationale trouve son compte ?

T.M. : Disons quand même oui. Surtout depuis Mzee Laurent-Désiré Kabila. Sincèrement, je pleure beaucoup sa mort brutale. Les gens m’ont vue pleurer. Rassurez-vous, je ne l’ai pas pleuré pour le plaisir de le faire mais aussi par rapport à ma propre vie. Il avait une place dans ma vie. Des gens pareils sont une grâce et on ne le trouve pas deux fois dans cette vie. Curieusement son fils Joseph Kabila ne m’a pas délaissée ni abandonnée. Je participe à ma façon à le soutenir dans la reconstruction de notre pays. Il aime son pays et son peuple. Il parle peu mais travaille beaucoup. Ce style, les Congolais n’y étaient pas habitués. Les résultats sont palpables.

L.C. : M.J. 30, c’est votre dauphin ? Comment vous l’encadrez ?

T.M. : M.J. 30 est déjà professionnelle. Elle a commencé par le chœur avant de devenir chanteuse. Elle chante aussi en lead. Je l’encadre et lui souhaite de réussir. Moi, je me suis battue toute seule. C’est plus tard que les gens m’ont apporté un plus à ma carrière. Elle doit faire comme moi et se donner au travail. Elle a de l’avenir. Il y a des signes. Les fans l’adorent. Sa voix rassure. Sa première chanson est un tube. Elle doit comprendre que la musique nourrit à condition de …

M.J. 30, c’est Marie-José. 30, ce sont mes 30 ans de carrière. Je les lui ai donnés pour lui souhaiter bonne chance et longue carrière. Je lui ai donné mes 30 années. Un jour, elle volera de ses propres ailes.

Entretien avec Nicaise Kibel’Bel Oka

Africana Hotel, Kampala, ce 26 août 2009, Les Coulisses N°207 du 1er au 20 septembre 2009, pp 17-18

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